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Un membre du personnel de l'UNRWA avec un enfant dans un refuge scolaire du camp de Nuseirat, dans la bande de Gaza. Photo : Ashraf Amra - UNRWA, CC BY-SA 3.0 igo

Le commissaire général de l’UNRWA a-t-il vraiment reconnu qu’il n’y avait pas de famine à Gaza ?

Création : 14 novembre 2025

Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Relecteur : Nicolas Turcev, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste

Source : Ministère des Affaires étrangères israélien, le 12 octobre 2025

En octobre, le compte du ministère des Affaires étrangères d’Israël a publié une vidéo affirmant que le commissaire général de l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens avait reconnu qu’il n’y avait pas de famine à Gaza. Mais il n’a jamais dit cela.

La question de la famine dans la bande de Gaza a fait les grands titres des médias depuis plusieurs mois. Le 22 août 2025, la famine sur le territoire gazaoui a été déclarée par les Nations Unies d’après une analyse conduite à partir du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC). C’est-à-dire que trois seuils critiques ont été franchis, à savoir la privation alimentaire extrême, la malnutrition aiguë et les décès liés à l’inanition. 

Le rapport de l’ONU a immédiatement été critiqué par le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, qui l’a traité de « mensonge éhonté », assurant qu’Israël n’avait « pas de politique de famine » et imputant les pénuries, selon lui « temporaires », à des « vols systématiques de l’aide » par le Hamas. Les ONG internationales présentes sur le territoire ont démenti les accusations israéliennes de détournement d’aide humanitaire par le Hamas.

C’est sur ce sujet éminemment sensible qu’est revenu le ministère des Affaires étrangères israélien sur X, le 12 octobre 2025. Dans une publication parue le 12 octobre, la diplomatie israélienne affirme que Philippe Lazzarini, commissaire général de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a lui-même admis qu’il « n’y avait pas de famine à Gaza ».

Une affirmation reprise depuis plusieurs semaines par des internautes sur tous les réseaux sociaux. « Quoi de meilleure preuve que le témoignage du Commissaire général de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, qui affirme clairement qu’il n’y a pas eu famine à Gaza (sauf pour les otages israéliens détenus par le Hamas et affamés sciemment par ces terroristes cruels) », philosophe l’un d’eux. « La nourriture suffisait pour tout le monde, avec des réserves pour trois mois », peut-on aussi lire.

Sauf que c’est faux. Philippe Lazzarini n’a jamais admis une absence de famine. Ses propos ont été décontextualisés et mal interprétés. 

De l’aide humanitaire bloquée par Israël en dehors de Gaza

Dans la vidéo jointe à la publication du ministère israélien des Affaires étrangères, une citation est attribuée à Philippe Lazzarini : « Nous avons assez de nourriture pour la population entière pour les trois prochains mois ». Si les autorités israéliennes ont déduit de cette phrase qu’il n’existait pas de famine à Gaza, la citation complète de Philippe Lazzarini, facilement trouvable en ligne, réfute cette interprétation. 

Dans une déclaration à propos du cessez-le-feu entré en vigueur le 10 octobre 2025, le commissaire général de l’UNRWA explique : « L’UNRWA dispose de vivres, de médicaments et d’autres fournitures de base prêts à être acheminés vers Gaza. Nous avons suffisamment de provisions pour nourrir l’ensemble de la population pendant les trois prochains mois. »

Philippe Lazzarini faisait donc référence à de l’aide humanitaire située en dehors de la bande de Gaza qui devait pouvoir entrer une fois les convois autorisés. 

Dans une réponse faite à nos confrères de France 24, l’UNRWA confirme la mauvaise interprétation des propos : « Cette citation a été complètement déformée. Le commissaire-général de l’Unrwa faisait référence à des fournitures actuellement bloquées à l’extérieur de Gaza, qui pourraient remplir des milliers de camions. [Philippe Lazzarini] disait que l’Unrwa dispose de nourriture, de médicaments et d’autres fournitures de base prêtes à partir à Gaza. »

Le 17 octobre 2025, le Programme alimentaire mondial (PAM) avait prévenu que remédier à la famine dans la bande de Gaza « prendra du temps ». Dans un communiqué du 10 novembre 2025, les Nations Unies ont expliqué que « l’aide humanitaire demeure entravée par la bureaucratie, les restrictions israéliennes et une insécurité persistante. »

Israël, qui accuse sans preuve l’UNRWA de collusion avec le Hamas, avait interdit sa présence sur le territoire israélien et dans les terres palestiniennes occupées, le 28 octobre 2024. Une allégation qui avait amené le plus gros donateur historique, les États-Unis, à stopper leur financement. Une perte majeure pour l’agence onusienne qui a réclamé, le 13 novembre 2025, de nouveaux financements aux pays de l’ONU.

 

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