La tuerie de Southport peut-elle vraiment être qualifiée de « djihadiste » ?
Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 24 janvier 2025
Condamné à cinquante-deux ans de prison, l’auteur de l’attaque au couteau de Southport, Axel Rudakubana, « n’a pas tué pour servir une cause politique, religieuse ou idéologique », estiment la police et la justice britannique.
Forcément sensible au regard de l’horreur des actes commis, la tuerie, survenue l’été dernier à Southport au Royaume-Uni, qui a causé la mort de trois fillettes et déclenché des émeutes dans le pays, n’a pas échappé aux interprétations idéologiques sur les réseaux sociaux.
Certains posts ont ainsi évoqué « une tuerie djihadiste », sous-entendant de fait que l’auteur — Axel Rudakubana — aurait agi pour répondre à des motivations religieuses en lien avec l’islam.
D’après le Larousse, le djihad est défini comme le « combat pour défendre le domaine de l’islam ». Le Robert le détermine lui comme la « guerre sainte menée pour propager ou défendre l’islam« . Quelle que soit la définition retenue, la justice, tout comme la police britannique, nient de telles intentions.
Seize chefs d’accusation
Au lendemain de la violente attaque au couteau, des spéculations sur l’identité du tueur ainsi que sur son motif avaient engendré le déclenchement d’émeutes au Royaume-Uni. La police du comté de Merseyside, en charge des investigations dans cette affaire, n’avait pas traité cette affaire comme liée au terrorisme.
Le 23 janvier 2025, le meurtrier des trois fillettes a été condamné à une peine de cinquante-deux ans minimum de réclusion criminelle par le tribunal de Liverpool. Durant son procès, Axel Rudakubana a dû répondre de seize chefs d’accusation comme l’indique, sur son site internet, la police du comté de Merseyside : trois pour meurtre, dix pour tentative de meurtre, une pour possession d’un couteau, une pour la production d’une toxine biologique, et enfin une dernière pour la possession d’informations susceptible d’être utile à une personne commettant ou préparant un acte de terrorisme.
Cette ultime charge avait notamment été retenue contre lui à l’automne dernier après la découverte, sur son ordinateur, d’une étude intitulée en français « Études militaires sur le djihad contre les tyrans : Le manuel d’entraînement d’Al-Qaïda », précisait alors la justice britannique.
Malgré cette charge, cette affaire n’a pas été considérée par la justice anglaise comme terroriste.
« Il n’a pas tué pour servir une cause politique, religieuse ou idéologique »
Selon la législation britannique, la notion de « terrorisme » peut être attribuée à un acte, notamment, s’il est perpétré « à des fins politiques, religieuses, raciales ou idéologiques ». Une qualification donc écartée dans le cas présent, comme l’écrivait déjà The Guardian, le 30 octobre dernier ou Reuters peu de temps après le verdict.
Contactée par Les Surligneurs, la police du comté de Merseyside se réfère, pour répondre à nos questions, aux déclarations faites par le juge Julian Goose, lors du délibéré du procès : « les infractions n’atteignaient pas la définition légale du terrorisme parce qu’il n’a pas tué pour servir une cause politique, religieuse ou idéologique ».
« C’était d’une violence si extrême, d’une gravité si extrême et exceptionnelle, qu’il est difficile de comprendre pourquoi cela a été fait », affirmait également le juge, le 23 janvier, selon une vidéo publiée par The Daily Mirror.
Pas d’inspirations religieuses
« Son seul but était de tuer et il a ciblé les plus jeunes et les plus vulnérables, sans doute pour répandre le plus de peur et d’indignation possible, ce qu’il a fait », assure dans un mail le service presse de l’un des services chargés de l’affaire, The Crown Prosecution (équivalent des procureurs en France).
Durant leur enquête, les policiers ont affirmé avoir étudié notamment près de 160 000 messages, interrogé 547 témoins, ou encore avoir traité 1 655 documents. Un travail d’investigation qui a conduit la cheffe de police Serena Kennedy à déclarer que « même si nous ne saurons jamais pourquoi il a agi ainsi, nous pouvons affirmer qu’il s’agissait d’un homme obsédé par la violence extrême », et de préciser « qu’aucune idéologie n’a été découverte dans tous ces documents, et c’est la raison pour laquelle cet acte n’a pas été traité comme du terrorisme ».
La tuerie de Southport ne peut être reliée à aucune religion, sauf à se risquer à une interprétation mensongère.