Crédit : Christo Anestev

Non, les inondations en Espagne n’ont pas été provoquées par l’ensemencement de nuages

Création : 8 novembre 2024

Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Relectrice : Lili Pillot, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte Facebook, le 30 octobre 2024

Une rumeur enfle selon laquelle les inondations meurtrières survenues en Espagne en octobre 2024 auraient été provoquées volontairement grâce à des techniques de géo-ingénierie. Cette affirmation repose sur des interprétations d’opérations d’ensemencement des nuages, dont la fiabilité et les conséquences sont très limitées, selon les spécialistes.

Dès le lendemain des inondations meurtrières — 219 morts et 89 disparus au dernier décompte disponible — qui ont touché l’Espagne à la fin octobre 2024, la question des potentiels responsables s’est posée.

Si certains blâment le gouvernement et les autorités pour une impréparation ou un manque d’adaptation au changement climatique, d’autres théories circulent. Parmi elles, celle d’un programme étatique qui viserait à provoquer volontairement ces violentes précipitations. Cette idée ne repose sur aucun fait.

Ce n’est plus une surprise, après chaque catastrophe naturelle, non seulement il faut gérer les conséquences humaines et environnementales parfois très graves, mais aussi souvent des vagues de désinformation. On l’a vu avec les ouragans Milton et Hélène en Floride et les fortes inondations à Dubaï.

Haarp, chemtrails et bateau-centrale électrique

En Espagne, plusieurs hypothèses sont émises. La première étant l’utilisation d’un supposé “programme de pluie artificielle développé par l’État profond”, comme le définit un internaute. C’est le projet “Haarp” qui aurait pour but la “modification du climat”.

Ce programme “High frequency active auroral research program” existe vraiment. C’est un observatoire en Alaska qui étudie l’ionosphère (une partie haute de l’atmosphère) et tente de réchauffer des portions d’air au-dessus du site pour en étudier les réactions. Mais ce projet est, depuis des années, au cœur d’une théorie selon laquelle il serait lié aux chemtrails (les avions rejetteraient des particules qui modifieraient la météo ou nous empoisonneraient, selon les versions). Maintes fois débunkée, cette théorie n’apporte toujours aucune source.

Mais, comme avec tout biais de confirmation, tout peut servir d’indice. Un bateau-centrale électrique a été accusé d’appartenir à ce fameux programme Haarp à cause d’une vidéo le montrant — pourtant à tort — proche des côtes de Valence.

Outre “le projet Haarp”, une autre hypothèse vise le Maroc et ses projets d’ensemencement des nuages. Car oui, il existe réellement des programmes de modification de la météo, il existe même des brevets. Sauf que ces programmes sont bien moins ambitieux et surtout bien moins efficaces que ce qu’expliquent les internautes inquiets.

Réponse au changement climatique plutôt que cause

Le Maroc, comme d’autres États ainsi que des entreprises privées, s’est intéressé de longue date à cette technique de géo-ingénierie, qui, face aux défis que pose le changement climatique notamment en termes de gestion de l’eau, est vue comme une solution potentielle.

Sauf que les spécialistes sont sceptiques quant aux résultats. “Avec ce que nous avons documenté, nous avons pu voir que les conséquences n’étaient pas énormes”, explique Andrea Flossmann, coresponsable de l’équipe d’experts sur la modification du temps à l’Organisation météorologique mondiale. En clair, le fait que la pluie tombe dépend d’un grand nombre de facteurs et il est difficile d’assurer avec certitude que l’ensemencement des nuages y soit véritablement pour quelque chose. “Il n’y a pas de relation entre les inondations en Espagne et l’ensemencement des nuages”, explique-t-elle sans le moindre doute.

L’ensemencement : un enjeu géopolitique

Cependant, le fait que des programmes existent — même si leur efficacité n’est pas avérée — est suffisant pour alimenter des conflits géopolitiques et des fantasmes. C’est ce qu’il se passe pour les inondations en Espagne et l’accusation contre le Maroc. Certains internautes partagent des articles de presse rendant compte d’une intensification des efforts du Maroc sur l’ensemencement des nuages. Le ministre marocain de l’Équipement et de l’Eau a annoncé, ce 29 octobre, que 70 opérations avaient été réalisées cette année.

Cette information alimente les théories liant les activités d’ensemencement des nuages du Maroc avec les inondations. Là encore, il faut largement nuancer le rôle que peuvent avoir ces opérations, d’autant qu’elles ont été réparties dans des régions spécifiques, proches de Marrakech et de Fès situées dans les terres, selon le ministre.

“On sait que le Maroc est un des acteurs intéressés par cette technique, ils le testent depuis une vingtaine d’années”, contextualise Andrea Flossmann, également professeure à l’université Clermont Auvergne.

Pour la chercheuse, il ne s’agit généralement que d’opérations sur de petites parcelles et, de toute façon, elles ne peuvent en rien provoquer le genre de précipitations intenses qu’il y a eu dans la région de Valence.

Si les opérations d’ensemencement artificiel des nuages n’ont pas causé les inondations, il existe une  explication physique de dépression, notamment due à un réchauffement important de la mer Méditerranée.

 

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