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Jordan Bardella veut réserver les allocations familiales “aux familles dont l’un des deux parents est de nationalité française”

Création : 28 octobre 2024

Auteur : Grégoire Delcamp, M2 Droit international et droit européen à Lille

Relecteurs : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers

Pascal Caillaud, chargé de recherche CNRS en droit social, Université de Nantes

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : BFM TV, le 14 octobre 2024

La proposition du Rassemblement national et de son président Jordan Bardella de réserver les allocations familiales aux seuls citoyens français est contraire au principe constitutionnel d’égalité. De son côté, le droit de l’Union comme les conventions européennes l’interdisent également.

Une fois n’est pas coutume, Jordan Bardella, président du Rassemblement national, propose de réserver les allocations familiales aux familles françaises. Bien qu’il nuance son idée en évoquant les familles avec au moins un parent français, celle-ci reste problématique au regard de la Constitution et des engagements européens de la France, comme nous l’avons déjà rappelé quand Marine Le Pen portait une telle proposition.

Une promesse inconstitutionnelle

Le principe d’égalité est un principe fondamental inscrit dans l’article 1er de la Constitution : “La France […] assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion”. Ce principe est également réaffirmé à plusieurs reprises dans le préambule de la Constitution de 1946 et dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, ces textes ayant la même valeur que notre actuelle Constitution.

En matière de prestations sociales, l’égalité de traitement est une norme fondamentale et constitutionnelle que l’on retrouve comme l’un des principes du Code de la Sécurité sociale. Les aides sociales, y compris les allocations familiales, sont en principe accordées sur la base de la résidence en France et non sur la nationalité.

Le fait de réserver les allocations familiales aux seules familles françaises constituerait donc une forme de discrimination basée sur la nationalité, ce qui serait contraire au droit français comme a déjà pu le constater le Conseil constitutionnel en 1990.

Ce principe de non-discrimination sur la nationalité se retrouve dans la décision de la Cour de cassation du 5 avril 2013 qui insiste sur l’importance de la résidence en France comme critère d’accès aux prestations familiales, sans que la nationalité puisse être une condition restrictive. Principe que l’on retrouve aussi dans le droit européen.

Une discrimination en droit européen

Le droit européen, et en particulier le droit de l’Union européenne, s’oppose à ce type de restriction. Le principe de non-discrimination en raison de la nationalité est garanti par l’article 18 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : “est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité”.

Ainsi, les citoyens européens résidant en France doivent pouvoir bénéficier des mêmes prestations sociales que les citoyens français.

En ce qui concerne les ressortissants de pays tiers (non européens), plusieurs textes internationaux, comme la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) et la Charte sociale européenne (notamment son article 13), garantissent aussi des droits sociaux de base aux personnes résidant légalement sur le territoire français.

Restreindre l’accès aux allocations familiales sur la base de la nationalité pourrait donc constituer une violation de ces engagements internationaux et une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’Homme.

À plusieurs reprises, la jurisprudence européenne a confirmé le caractère illégal de discriminations fondées sur la nationalité en matière de prestations sociales, et tout particulièrement dans le cas d’un ressortissant européen.

Dans un arrêt de 2002, la Cour de justice de l’Union européenne considère que les prestations sociales ne peuvent pas être conditionnées par des critères discriminatoires liés à la nationalité.

De son côté, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a confirmé en 2005 que les allocations familiales doivent être accessibles aux résidents, indépendamment de leur nationalité, qu’ils soient ressortissants européens ou non. Un refus de la sorte constituait une discrimination en violation des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Les juges rappellent ainsi que les États doivent garantir l’égalité de traitement pour les prestations sociales, sans distinction fondée sur la nationalité.

 

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