Crédit : Tony Webster Licence : CC BY-SA 2.0 Photo modifiée

États-Unis : les démocrates achètent-ils des votes “à des étrangers illégaux” pour truquer l’élection ?

Création : 17 octobre 2024

Autrice : Jeanne Boyer, étudiante en journalisme à l’école W

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte Facebook, le 13 octobre 2024

Depuis quelques mois, le parti démocrate est accusé de tenter de truquer la prochaine élection présidentielle en faisant voter des non-citoyens américains. Mais, cette rumeur n’a aucun fondement et est contredite par les études faites sur le sujet.

À l’approche de l’élection présidentielle américaine, le 5 novembre prochain, les attaques s’intensifient entre les partisans de Donald Trump et ceux de Kamala Harris. Et dans l’arène politique étasunienne, tous les coups semblent permis.

Sur les réseaux sociaux, des soutiens de l’ex-président républicain accusent leurs adversaires d’essayer de truquer les élections en faisant voter des citoyens qui n’auraient pas la nationalité américaine et qui n’auraient donc pas le droit de vote.

Campagne publicitaire

Cette campagne des républicains est loin d’être anecdotique. Selon le service de fact-checking de la BBC, depuis début septembre, au moins 118 publicités relayant cette idée ont été financées par le camp républicain sur Facebook et Instagram. Donald Trump l’a lui-même affirmé lors du débat du 10 septembre 2024, l’opposant à Kamala Harris.

Et ces accusations ne sont pas nouvelles ! “C’est une idée régulièrement véhiculée par le camp républicain lors des élections présidentielles”, explique aux Surligneurs Maxime Chervaux, professeur agrégé à l’Institut français de géopolitique et spécialiste de la politique américaine.

Mais ces accusations sont-elles fondées ? Les Surligneurs ont mené l’enquête.

Pas de preuve… et beaucoup de contrôles

Tout d’abord, nous n’avons trouvé aucune trace d’enquêtes journalistiques ou d’études établissant un lien entre le vote de non-citoyens américains et le parti démocrate. Les internautes auraient-ils accès à des informations cachées ? Les quelques-uns contactés par Les Surligneurs n’ont pas répondu à nos sollicitations.

Dans l’impossibilité de remonter à l’origine de ces accusations, reste à savoir si ces imputations sont crédibles. Est-ce qu’une telle fraude est possible ? Et si oui, à quelle échelle ?

Pour Maxime Chervaux, c’est très peu probable : “Le système d’inscription électorale américain est l’un des plus sûrs et des plus stricts au monde”, affirme le spécialiste. “Si le fonctionnement diffère selon les États, les fonctionnaires en charge des élections vérifient les informations fournies par le votant grâce aux bases de données fédérales.”

Ces dernières permettent de vérifier les informations fournies par les électeurs en les comparant à celles présentes dans le système informatique. « Cette rumeur de faux-inscrits répandue par les républicains ces dernières années a encore plus renforcé les contrôles et la législation sur le sujet », souligne Maxime Chervaux.

Ainsi, celles et ceux qui tenteraient de voter en toute illégalité risquent de sévères sanctions, allant de la prison à l’expulsion. Des sanctions qui visent à “décourager les tentatives des non-citoyens de s’inscrire sur les listes et voter”, explique à l’AFP Rachel Orey, qui dirige le département dédié aux élections du Bipartisan Policy Center, une organisation à but non lucratif qui essaye de dépasser les clivages politiques en faisant travailler ensemble démocrates et républicains.

Fraude marginale

Même si les fraudes existent, différents rapports montrent que les votes de non-citoyens aux élections présidentielles américaines sont des cas très isolés.

C’est ce que montre une étude du Brennan Center for Justice, un institut non partisan rattaché à l’université de New York, qui a enquêté sur ce sujet à l’occasion de l’élection présidentielle de 2016.

Pour cela, ils se sont notamment entretenus avec une quarantaine de responsables locaux en charge de l’organisation de l’élection présidentielle de 2016 dans 12 États étasuniens.

Les États choisis sont ceux accusés par Trump de fraude, ou ceux comptant le plus grand nombre de résidents non citoyens. Les résultats de l’étude sont sans équivoque : sur leur terrain d’enquête, le vote de non-citoyens représenterait 0,0001 % des votes. Pas de quoi déstabiliser une élection présidentielle.

La base de données tenue par le think tank conservateur, The Heritage Foundation recence quant à elle moins de 100 cas déclarés entre 2002 et 2022 de votants non-citoyens américains : “25 ans d’études sur le sujet démontrent clairement que le vote illégal des étrangers est un non-sujet”, assène Maxime Chervaux.

Ainsi, rien ne prouve les accusations du parti républicain. Truquer les élections américaines en faisant voter illégalement des étrangers semble extrêmement complexe au regard des contrôles et des sanctions prévues. Enfin, selon les études disponibles sur ce sujet, il semble que le vote de non-citoyens aux élections soit quasi inexistant et ne permet en aucun cas de faire basculer l’élection américaine.

 

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