Présidentielle américaine : non, Tim Walz, le colistier de Kamala Harris, n’a pas promulgué une loi protégeant les pédophiles
Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 25 septembre 2024
Une publication Facebook affirme que Tim Walz, le colistier de Kamala Harris dans la course à la présidentielle américaine, a promulgué une loi dans le Minnesota permettant à la pédophilie d’être classée « comme une ‘orientation sexuelle' ». Mais cette théorie ne résiste pas aux textes de loi.
À l’approche du scrutin de novembre qui verra s’affronter l’ancien président Donald Trump et l’actuelle vice-présidente Kamala Harris, la désinformation semble atteindre son paroxysme aux États-Unis.
Parmi les théories les plus farfelues qui circulent sur les réseaux, l’une d’entre elles vise le colistier de la candidate démocrate, Tim Walz. Le gouverneur du Minnesota est accusé par une utilisatrice de Facebook d’avoir signé une loi dans son État incluant “les personnes attirées par les mineurs” comme une “orientation sexuelle”.
Conséquence, selon elle : les pédophiles agissant dans le Minnesota seraient “protégés en créant une catégorie spéciale”, inscrite dans la loi. Une allégation mensongère et on vous explique pourquoi.
Modernisation de la loi
Pour comprendre cette accusation, il faut se plonger dans les archives législatives du Minnesota. Début 2023, l’État frontalier du Canada engage une modernisation de sa principale loi (Minnesota Human Rights Act) pénalisant toutes formes de discrimination selon la race, la religion, l’identité de genre ou l’orientation sexuelle notamment. Pour ce faire, les parlementaires locaux adoptent, à travers le Take Pride Act, une révision du texte en vigueur depuis 1993.
Cette loi a “aidé à clarifier des protections essentielles pour les LBTQIA+ du Minnesota et a supprimé des dispositions obsolètes et préjudiciables de la loi sur les droits de l’homme du Minnesota”, vante le site Internet du département des droits de l’Homme de l’État.
Or, parmi l’ensemble des nouvelles définitions adoptées, c’est l’amendement HF1655 concernant l’orientation sexuelle qui va nourrir toutes les théories complotistes.
Concrètement, l’actualisation votée (consultable ici) par les élus locaux conduit, entre autres choses, au retrait d’une mention qui indiquait, dans l’ancienne version, que “l’orientation sexuelle ne comprend pas l’attirance physique ou sexuelle d’un adulte à l’égard d’un enfant ou sexuelle d’un adulte envers des enfants”.
Une suppression qui prouve, selon l’auteure du post que la nouvelle loi permet à la pédophilie d’être classée « comme une ‘orientation sexuelle' ».
Une interprétation juridique toutefois très personnelle puisque le nouveau texte indique, dans le détail, que “l’orientation sexuelle désigne la personne vers laquelle une personne est, ou est perçue comme étant, émotionnellement, physiquement ou sexuellement attirée sur la base du sexe ou de l’identité de genre. Une personne peut être attirée par des hommes, des femmes, les deux, ni l’un ni l’autre, ou par des personnes qui sont genderqueer, androgynes ou qui ont d’autres identités de genre”.
Ainsi, comme on peut le constater, il n’est jamais indiqué que la pédophilie est considérée comme une orientation sexuelle. Cette lecture erronée a par ailleurs déjà été contrée par de nombreux médias : PolitiFact, USAToday, AFP Fact Check, AAP FactCheck.
Pour justifier cette mise à jour sémantique — que certains semblent juger dangereuse juridiquement — l’élue en charge de défendre l’amendement, Leigh Finke, contactée en vain par Les Surligneurs, indiquait notamment à Fox News en 2023 que “la pédophilie n’est pas une orientation sexuelle”. Selon elle, “les crimes contre les enfants figurent dans les lois pénales du Minnesota et, là encore, elles restent inchangées”. En août dernier, elle précisait également à l’AFP que « le projet de loi n’a pas modifié les sanctions pénales concernant les agressions sexuelles à l’encontre d’un enfant ».
Un argument corroboré notamment par la professeure émérite de droit américaine, Jill Hasday, sur le site Internet de l’université du Minnesota. L’État “interdit clairement” les abus sexuels sur les enfants, y affirme-t-elle. “Aucun tribunal du pays n’a jamais dit ou ne dira jamais qu’une loi protégeant les personnes contre la discrimination fondée sur leur orientation sexuelle s’étend à la protection de la pédophilie”, indiquait pour sa part, à nos confrères de PolitiFact, Brian Soucek, professeur de droit à l’université de Californie Davis.
Selon la législation en vigueur au Minnesota, “une personne qui se livre à une pénétration avec une personne de moins de 18 ans ou à un contact sexuel avec une personne de moins de 14 ans” encourt “une peine d’emprisonnement maximale de 30 ans ou au paiement d’une amende maximale de 40 000 dollars, ou à ces deux peines”.
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