Crédit : Cannes Lions Learnings (CC 3.0)

Cette liste de participants aux soirées de P. Diddy est fausse

Création : 7 octobre 2024

Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Relectrice : Lili Pillot, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte Facebook, le 29 septembre 2024

Une “liste” de participants aux soirées de P. Diddy, accusé de viols et de trafic à des fins d’exploitation sexuelle, a été largement partagée. Cette dernière est fausse et a très certainement été générée par intelligence artificielle.

Depuis l’arrestation le 16 septembre dernier de Sean Combs, connu sous son nom d’artiste, P. Diddy, les révélations sur ce dossier tentaculaire s’accumulent au même titre que les fausses nouvelles.

Sur les réseaux sociaux, toutes les personnalités politiques et médiatiques qui ont eu affaire de près ou de loin avec le producteur musical sont suspectées d’avoir participé à ses soirées “Freak Offs” pour lesquelles il est aujourd’hui mis en cause par la justice.

La frénésie autour de ce dossier est telle que des listes d’invités tournent sur les réseaux sociaux, assurant, à qui veut bien le croire, que quasiment toutes les personnalités médiatiques et politiques américaines baignent dans cette affaire.

Fin septembre, une liste de 122 noms répartis entre “célébrités”, “royauté” et “politiques” a largement circulé sur les réseaux sociaux. Présentée comme la “liste des invités aux fêtes de P-Diddy”, on y trouve en vrac Jay-Z, Kanye West, Nicki Minaj, Ellen DeGeneres, Sean Penn, le prince Harry, Barack Obama, Kamala Harris, et des dizaines d’autres personnalités médiatiques.

Fausse liste créée par une IA

Cette liste présentée comme une révélation a été partagée et traduite dans de nombreuses langues (anglais, français, allemand). Pourtant, elle ne repose sur rien d’autre qu’une succession de noms créée par intelligence artificielle. Les Surligneurs ont passé le texte dans plusieurs détecteurs d’IA, et le constat est clair : ce texte a été généré par un logiciel d’IA (avec 100 % de certitude pour Scribbr et Quillbot, et environ 73 % pour GPTZero et Isgen.ai).

La première occurrence de cette liste que Les Surligneurs ont pu retrouver a été publiée par une page Facebook le 24 septembre 2024 à 19h34. Le compte “Thats Life But Not As We Know It” (“C’est la vie mais pas celle qu’on connaît”, en anglais) est géré par des utilisateurs britanniques et publie majoritairement des mèmes complotistes. En 2018, le compte avait été créé sous le nom “Thugspiracy”. Aujourd’hui, il est lié à des comptes TikTok et YouTube (dont il se vante d’avoir été “terminated”, donc banni ou censuré, “deux fois”).

Des “white parties” et des “Freak Offs

Ce n’est tout de même pas un hasard si cette arrestation de P. Diddy alimente autant de théories liant le monde du showbiz hollywoodien et des politiques à cette affaire. En effet, le producteur de musique était connu pour organiser de grandes fêtes dans les Hamptons — les white parties en référence au code vestimentaire — où de nombreuses personnalités médiatiques étaient présentes.

Entre 1998 et 2009, on a pu voir passer Jay-Z, Ashton Kutcher, Paris Hilton, Kim Kardashian, Chris Brown ou encore Mariah Carey. Sur le papier, certains de ces événements étaient de simples célébrations d’anniversaires ou des fêtes destinées à une cause caritative, notamment l’éradication du paludisme.

Pourtant, ces fêtes auxquelles P. Diddy semblait vouloir donner un style très “Gatsby le Magnifique” ne sont pas à l’abri d’accusations de violences sexuelles. Une femme employée dans ces soirées a porté plainte, rapporte le New York Times, et un ancien participant a publié une vidéo où il décrit un côté sombre.

Mais ce sont d’autres fêtes bien plus orgiaques, surnommées les “Freak Offs”, qui inquiètent le plus les autorités judiciaires fédérales. D’après le parquet de Manhattan, ces soirées étaient “des performances sexuelles élaborées et produites que Combs organisait, dirigeait, pendant lesquelles il se masturbait, et qu’il enregistrait souvent électroniquement”. Il aurait engagé des prostitués masculins et contraint des femmes à y participer.

Avant sa mise en examen et son arrestation, plusieurs plaintes avaient été déposées contre P. Diddy. La première a été émise par son ex-compagne, la chanteuse Cassie, en novembre 2023. Mais depuis d’autres ont suivi pour des faits qui s’étalent sur trois décennies. En février 2024, une plainte de son ancien producteur, Rodney “Lil Rod” Jones, dénonce un système organisé.

Ce n’est qu’après son témoignage et des perquisitions que le chanteur a été incriminé pour trafic sexuel et extorsion. D’après le parquet de Manhattan, l’homme aurait “pendant des décennies, abusé, menacé et contraint des femmes à satisfaire ses désirs sexuels, protéger sa réputation et cacher ses actes”. P. Diddy a été arrêté le 16 septembre 2024 et a plaidé non coupable.

Des noms mentionnés mais pas du tout incriminés

Dans sa plainte de février 2024, Rodney Jones ne cible pas seulement Sean Combs. Il vise également des employés du magnat de la musique, un de ses fils, son assistante et des dirigeants de labels de musique qu’il accuse d’avoir participé à l’organisation de ces “Freak Offs”.

S’il y a bien des noms de célébrités dans la plainte, il ne s’agit pas, contrairement aux rumeurs, des personnes invitées aux fameuses “performances sexuelles”. Par exemple, le prince Harry est cité comme un exemple de dignitaire international auquel les personnes qui avaient aidé P. Diddy à organiser les soirées pouvaient désormais “avoir accès”.

Les noms de Mariah Carey ou encore Jay-Z sont également mentionnés dans la plainte mais seulement pour donner du contexte sur un suspect qui a été leur producteur à un moment. Aucune de ces personnes-là n’est incriminée de quoi que ce soit.

Si l’on s’en tient aux faits, pour le moment, seul Sean Combs est poursuivi par la justice fédérale de New York pour plusieurs chefs d’accusation.

Instrumentalisation par le camp Trump

Si l’on s’intéresse aux rumeurs en revanche, on est servis. Cette histoire a été instrumentalisée par le camp républicain, dont une partie surfe sur des théories QAnon, une mouvance conspirationniste d’extrême droite qui croit à un “État profond”.

Ainsi, une photo de Kamala Harris a été retouchée pour faire croire qu’elle était accompagnée de P. Diddy quand il s’agissait en fait de son ancien compagnon, Montel Williams. Alors même que Donald Trump a, lui, réellement été photographié avec P. Diddy en 1998.

 

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