Non, Moderna n’a pas annoncé que son vaccin contre le Covid-19 est source de cancer
Autrice : Julia Terradot, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 8 septembre 2024
Sur Facebook, une internaute fait un lien entre le vaccin de Moderna contre le Covid-19 et le risque de cancer. Une théorie qu’elle reprend directement d’une figure populaire de la désinformation médicale aux États-Unis, le docteur Robert Malone. En réalité, il n’existe aucune preuve scientifique tangible pour corroborer cette théorie.
L’entreprise Moderna aurait-elle discrètement annoncé que son vaccin contre le Covid-19 provoque des cancers ? Sur Facebook, une internaute partage ce soi-disant aveu de l’entreprise pharmaceutique et conseille aux vaccinés de “Spikevax” de “vérifier” et “nettoyer” leur sang. En effet, selon l’autrice du post, les flacons de vaccin contiendraient des “fragments d’ADN” et “d’autres contaminants” liés à des malformations congénitales et à l’apparition de cancers.
La publication cite un article sur le chercheur Robert Malone, figure montante de la désinformation vaccinale aux États-Unis, et reprend des passages de son intervention au Congrès américain en novembre 2023. Pendant cette audition, le docteur accuse Moderna de sciemment mettre en danger les consommateurs en distribuant son vaccin ARN messager contre le Covid-19 contenant des traces d’ADN nocives.
Robert Malone suggère que ces résidus menacent d’endommager l’ADN des vaccinés et représentent un risque de cancer. Il cite une étude isolée d’octobre 2023, toujours en attente d’évaluation par la communauté scientifique, dans laquelle les chercheurs découvrent des milliards de fragments d’ADN dans les vaccins Moderna et Pfizer-BioNTech.
Rien de scientifique
Moderna ne semble pas avoir soumis de déclaration officielle à ce sujet, comme l’ont précédemment démontré nos collègues d’USA Today. Contactée par les Surligneurs, l’entreprise nous a réorientés vers la Direction générale de la Santé (DGS), qui affirme qu‘ “il n’existe aucune preuve scientifique valide pour soutenir l’idée que le vaccin Spikevax de Moderna provoque des cancers en raison de la présence de fragments d’ADN”. De plus, les autorités sanitaires contrôlent en continu la qualité des vaccins, selon la DGS.
Nos collègues de 20 Minutes rappellent également le manque de preuve académique prouvant un lien entre les risques de cancer et les vaccins contre le Covid-19. Pourtant, rien n’arrête la désinformation vaccinale contre le coronavirus sur les réseaux sociaux.
“On n’est pas dans la science, mais dans la propagande”, déclare Stanislas Quesada, oncologue médical à l’Institut du Cancer de Montpellier et secrétaire général de la Société française du Cancer (SFC), alors qu’il analyse la publication Facebook.
“‘Provoquer le cancer’ ne veut rien dire”, continue le médecin, qui tente ensuite de reformuler les propos de l’internaute vers une interrogation plus pertinente : “Est-ce que ces vaccins sont des ‘facteurs de risque’ de certains cancers ?” Répondant à sa propre question, l’oncologue médical affirme qu’il n’existe pas de preuve scientifique formelle démontrant que “les individus vaccinés développent plus de cancers que les individus non vaccinés”.
Les traces d’ADN
Pour comprendre, il faut détailler le fonctionnement des vaccins ARNm. Les ARN messagers (ou ARNm) sont des molécules qui permettent la synthèse des protéines nécessaires au fonctionnement des cellules. Dans le cadre du vaccin contre le Covid-19, ils permettent de synthétiser la protéine contre laquelle le corps doit lutter et donc d’activer la fabrication d’anticorps. Les concepteurs de vaccins ARNm identifient l’information génétique du virus à partir d’ADN, et en copient donc l’ARNm. Les vaccins ARNm “sont ensuite purifiés pour éliminer l’ADN”, explique Stanislas Quesada, “mais jamais à 100 %”, ajoute-t-il.
Les vaccins ARNm comme Spikevax de Moderna contiennent donc bien des traces d’ADN, comme l’a confirmée une représentante de l’Agence européenne des médicaments (AEM), chargée de contrôler la sûreté des médicaments dans l’Union européenne, auprès des Surligneurs. En soi, l’intégration d’ADN dans nos cellules pourrait effectivement provoquer une prolifération cellulaire, selon l’oncologue.
Cependant, les quantités de résidus ADN dans les vaccins restent “inférieures aux limites acceptables et sûres”, rassure la représentante de l’AEM. L’agence n’a d’ailleurs trouvé aucune preuve que les traces d’ADN dans les vaccins ARNm s’incorporent à l’ADN des vaccinés, ni d’éléments qui suggèrent des effets négatifs en lien avec ces résidus.
Des articles de fact-checking de Reuters, comme ici, ici, ici et ici, corroborent la déclaration de l’AEM : il n’existe aucune preuve que les vaccins contre le Covid-19 altèrent l’ADN des vaccinés.
Pour autant, les allégations de Robert Malone envers l’entreprise pharmaceutique Moderna et les vaccins ARNm reposent en partie sur des faits avérés. “Le docteur Malone utilise des fragments d’informations de réalités scientifiques en y ajoutant l’argument d’autorité pour échafauder une hypothèse, mais qui ne repose sur rien”, résume Stanislas Quesada.
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