La profession de commissaire de justice est-elle illégale ?
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’université de Poitiers
Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’université de Poitiers
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte TikTok, le 16 février 2024
Bien que l’ordonnance qui crée la profession de commissaire de justice n’ait pas été ratifiée par le Parlement, le Conseil constitutionnel admet que, passé un certain délai, l’ordonnance a la même valeur qu’une loi. Elle peut donc s’appliquer.
Le compte TikTok “Éveil et Souveraineté”, aux tendances complotistes, affirme que la profession de commissaire de justice n’est pas légale, et que les personnes qui pratiquent cette profession sont dans l’illégalité depuis 2016. Et pour cause, l’ordonnance qui fusionne les métiers d’huissier de justice et de commissaire-priseur en une seule profession de commissaire de justice n’a pas été ratifiée par le Parlement, comme l’exige l’article 38 de la Constitution.
Mais alors, les commissaires de justice sont-ils vraiment dans l’illégalité ? Voyons cela de plus près.
L’ordonnance du 2 juin 2016 a supprimé les professions de commissaire-priseur (pour le volet judiciaire) et d’huissier de justice pour n’en créer qu’une seule : celle de commissaire de justice, à partir du 1ᵉʳ juillet 2022. Ce domaine étant celui du Parlement, il relève normalement de la loi. L’article 38 de la Constitution prévoit toutefois que le Parlement peut, par le biais d’une loi d’habilitation, déléguer temporairement, souvent pour six mois à trois ans, cette compétence au gouvernement. Il peut donc “légiférer” par ordonnance. L’ordonnance du gouvernement doit cependant faire l’objet d’une ratification par le Parlement.
En l’occurrence, un projet de loi de ratification a été déposé devant l’Assemblée nationale puis devant le Sénat. Pourtant, il n’a jamais été adopté et donc le Parlement n’a, en effet, jamais ratifié l’ordonnance du 2 juin 2016.
Pour autant, l’ordonnance n’est pas illégale et peut bien s’appliquer.
Dans une décision du 28 mai 2020, le Conseil constitutionnel a rendu une décision innovante. Les ordonnances prises dans le cadre de l’article 38 de la Constitution peuvent s’appliquer sans ratification, sous certaines conditions. Passé le délai prévu par la loi d’habilitation, les dispositions de l’ordonnance ont une valeur législative, même non ratifiées.
En conclusion, que les commissaires de justice se rassurent, la profession est bien légale et seule la loi pourra la modifier.
Une erreur dans ce contenu ? Vous souhaitez soumettre une information à vérifier ? Faites-le nous savoir en utilisant notre formulaire en ligne. Retrouvez notre politique de correction et de soumission d'informations sur la page Notre méthode.