Emmanuel Macron peut-il refuser la tenue d’une session extraordinaire à l’Assemblée nationale ?
Dernière modification : 23 septembre 2024
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’Université de Poitiers
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Article du Monde, le 3 septembre 2024
Il n’est pas certain que la Constitution laisse au président de la République la faculté de refuser la réunion du Parlement en session extraordinaire.
Après un temps d’attente record (cinquante-et-un jours), Emmanuel Macron a nommé Michel Barnier Premier ministre. Il doit désormais affronter les députés qui ne feront leur rentrée que le 1ᵉʳ octobre. Certains d’entre eux demandent l’ouverture d’une session extraordinaire pour entendre le programme du nouveau locataire de Matignon et en débattre.
Un article du Monde affirme que le président de la République “ne serait pas tenu de faire droit à la demande de session extraordinaire”. Il s’appuie sur les exemples des Présidents de Gaulle et Mitterrand, qui avaient refusé la tenue d’une session extraordinaire, respectivement en 1960 et en 1987. Cependant, la pratique n’est pas toujours en accord avec les textes, et la Constitution ne semble pas laisser au Président le choix d’accepter ou non.
Les députés ou le Premier ministre demandent…
La session parlementaire ordinaire s’ouvre le premier jour ouvrable d’octobre et se clôture le dernier jour ouvrable de juin. L’article 29 de la Constitution prévoit la tenue d’une session extraordinaire en dehors de ces dates : “Le Parlement est réuni en session extraordinaire à la demande du Premier ministre ou de la majorité des membres composant l’Assemblée nationale, sur un ordre du jour déterminé”.
La mention faite au président de la République se trouve à l’article 30 : “Hors les cas dans lesquels le Parlement se réunit de plein droit, les sessions extraordinaires sont ouvertes et closes par décret du Président de la République”.
… et le Président exécute ?
Si la demande est bien faite par une majorité de députés ou le Premier ministre, et non par le président de l’Assemblée nationale comme a pu le faire Yaël Braun-Pivet, il n’est pas certain que le Président puisse, dans le respect de la Constitution, refuser. Pour motiver son éventuel refus, Emmanuel Macron serait sans doute tenté d’invoquer les précédents politiques de 1960 et 1987. Sauf que les précédents politiques n’ont pas, en France, de valeur juridique.
En s’en tenant à la seule lecture de la Constitution, la rédaction à l’indicatif de son article 30 mentionné plus haut laisse à penser que le Président n’a pas le choix : il ne peut pas refuser une session extraordinaire. Et ce, d’autant plus, que le décret qu’il adopte doit être contresigné par le Premier ministre.
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