Image d'illustration. Photo : Robert Couse-Baker. https://creativecommons.org/licenses/by/2.0/

La France n’a-t-elle que trois jours de stocks de munitions en cas de conflit ?

Création : 27 août 2024

Autrice : Clément François, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétaire de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Compte Instagram, le 16 août 2024

Sur Instagram, un internaute affirme que la France dispose d’un stock de munitions de seulement trois jours en cas de guerre. Une information qui pourrait inquiéter dans le contexte de la guerre en Ukraine et de la montée des tensions mondiales. Qu’en est-il ? 

C’est un chiffre qui réapparait régulièrement dans le débat public. En cas de conflit, la France disposerait d’un stock de munitions de seulement… trois jours ! Difficile dans ces conditions d’imaginer une issue positive pour l’armée si elle venait à être attaqué. 

« Nous sommes face à une puissance nucléaire et dans ce cadre-là, on ne s’amuse pas à rentrer dans une forme de cobelligérance[…] Nous avons aujourd’hui l’incapacité de tenir plus de trois jours de munitions”, alertait la députée européenne de Reconquête, Marion Maréchal, sur la chaîne LCI le 6 juin 2024, au sujet du soutien à la France dans conflit russo-ukrainien.

Légende urbaine ? 

Mais d’où vient cette estimation ? Elle a été lâchée le 15 mars 2022, sur RFI, par le sénateur du Val-de-Marne, Christian Cambon. L’élu est à l’époque le président de la commission sénatoriale des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. 

De quoi faire réagir toute la presse française, qui reprend massivement l’information dans ses colonnes. Mais en réalité, cette estimation est à minima très imprécise et ne prend pas en compte une multitude de facteurs : le type de conflits, les munitions utilisées ou encore le système d’alliance. 

Christian Cambon l’a d’ailleurs reconnu lui-même, deux jours après son interview. Interrogé par nos confrères de TF1, il reconnait avoir donné ce chiffre des trois jours “pour faire réagir”. 

Pour les spécialistes, cette estimation relève du fantasme :  “C’est un chiffre que j’ai entendu toute ma carrière, une sorte de légende urbaine, mais il ne correspond à aucune réalité. Trois jours à quelle intensité ? Avec quel type de munitions ? On ne sait pas ce que cela représente”, explique le colonel et historien Michel Goya. 

« On lit en ce moment des choses comme ‘il y a trois jours de munitions’, ça ne veut rien dire« , a détaillé le colonel Ianni, porte-parole du chef d’état-major des armées françaises chez nos confrères de BFMTV. « Ça dépend des manœuvres que vous allez monter et la façon dont vous allez manœuvrer qui déterminera la façon dont vous allez consommer vos munitions. Si on met tous nos avions en ligne pour tirer en même temps, on va consommer toutes nos munitions et on ne gagnera pas »

Même son de cloche du côté du ministère des Armées, contacté par Les Surligneurs, qui affirme que ce chiffre est faux. 

Secret défense 

Qu’en est-il alors des stocks de munitions ? Les Surligneurs ne pourront pas vous fournir d’éléments détaillés. En effet, de tels chiffres sont couverts pas le secret défense. Ils ne sont donc pas accessibles aux citoyens. En revanche, il existe bien des inquiétudes autour des stocks. 

“On a longtemps fait des économies sur tous les équipements annexes comme les munitions ou les radars par exemple, en fonctionnant en flux tendu avec très peu de stocks. Au moment de l’invasion russe, on s’est rendu compte que l’on ne pouvait ni faire la guerre, ni donner tous nos stocks à l’Ukraine”, détaille le Colonel. 

Ce problème a d’ailleurs été confirmé par un rapport d’information présenté à l’Assemblée nationale par les députés Patricia Mirallès et Jean-Louis Thiériot, qui ne parle pas non plus de ces fameux 3 jours, mais alerte sur la nécessité de “reconstituer les stocks de munitions”.

Contacté, le ministère des Armées assure que la nouvelle loi de programmation militaire votée en 2023 prend en compte ce problème, et prévoit près de 16 milliards entre 2024 et 2030 spécifiquement alloués à “la consolidation des stocks et la réduction des délais de production” des munitions.

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