Mpox : Non, la variole du singe ne se traite pas avec le Tranilast, un antihistaminique
Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
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Secrétaire de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste
Source : Réel Facebook
Dans une interview de 2022 de Didier Raoult, un médicament contre l’asthme est présenté comme un traitement contre la variole du singe (mpox). Il s’appuie sur une seule étude qui teste simplement le potentiel de certaines molécules sur les poxvirus. Mais ce médicament n’a jamais été testé cliniquement.
Depuis que l’Organisation Mondiale de la Santé a estimé que le mpox (variole du singe) constituait une “urgence de santé publique de portée internationale” ce 14 août, de nombreuses (dés)informations ont proliféré sur les réseaux sociaux. Parmi celles-ci : un médicament, nommé le Tranilast, serait efficace contre le mpox, mais ne serait pas commercialisé, défendent plusieurs internautes.
Une interview de 2022
Ces derniers ont déterré un bout de l’interview du bien connu, Didier Raoult, le 14 juin 2022, sur la chaîne Youtube de l’Institut Hospitalier Universitaire Méditerranée Infection (l’infectiologue retraité était directeur de la Fondation Méditerranée Infection, une structure dépendante de l’IHU jusqu’en septembre 2022).
Quelques semaines avant la vidéo, début mai 2022, des cas de variole du singe avaient été signalés dans des pays où la maladie n’était pas endémique, comme en Europe. C’est dans ce contexte que Raoult répond à cette question : “Concernant le monkeypox faut-il en avoir peur ?”.
Il avance alors une étude de scientifiques chinois qui auraient testé “467 molécules disponibles pour voir s’il y en avait qui marchaient”. “La plus efficace, c’est un médicament japonais, le Tranilast, poursuit-il. Il coûte rien, c’est génériqué, mais […] il n’est pas commercialisé en Europe.”
Une étude d’une équipe chinoise a bien été publiée en juillet 2019 dans le Journal of Medical Virology. Ils y analysent 767 molécules déjà identifiées et généralement utilisées dans d’autres applications, et voient si elles pourraient être efficaces sur le virus de la vaccine (VAVC). C’est ce qu’on appelle une tentative de repositionnement de médicaments.
Le mpox : un cousin de la vaccine
Avant d’aller plus loin, il faut comprendre le lien entre la vaccine et ce fameux mpox qui nous concerne aujourd’hui. La vaccine est le virus responsable de la variole, une maladie qui a été éradiquée officiellement en 1980. Il fait partie de la famille des orthopoxvirus, tout comme le mpox (monkeypox ou aussi variole du singe). Aussi, il y a une immunité croisée pour les personnes déjà immunisées contre la variole.
Donc, de cette étude, réalisée en 2019 in vitro et sur des souris, les chercheurs ont identifié deux molécules (le mycophenolate mofetil et le tranilast) comme “possédant le plus haut potentiel anti-VAVC” parmi celles étudiées.
La molécule sur laquelle se concentre Didier Raoult est le Tranilast, un médicament commercialisé au Japon et en Corée par Kissei Pharmaceuticals depuis 1982 pour le traitement de l’asthme puis à partir de 1993 pour des chéloïdes (formes de cicatrices). Ce médicament n’a pas d’autorisation de mise sur le marché en Europe ni pour ces indications là, ni contre le mpox. L’étude de 2019 n’a rien changé à ça. Et c’est plutôt logique.
“Cette étude des scientifiques chinois n’indique pas que le Tranilast peut être efficace contre le mpox ou la variole, tranche Olivier Schwartz, directeur de l’unité Virus et immunité à l’Institut Pasteur. Les résultats de la molécule sur les cultures cellulaires ne sont pas synonymes d’efficacité chez l’humain.”
Pour s’assurer qu’une molécule est efficace contre un virus, il faut passer par de nombreuses étapes, et notamment par des tests cliniques. Et le Tranilast n’a jamais été testé de façon clinique contre les poxvirus.
Un médicament existe déjà, mais son efficacité reste à prouver
Pour le moment, un médicament a reçu une autorisation de mise sur le marché sous circonstances exceptionnelles, le 6 janvier 2022 ,pour lutter contre le mpox : le Tecovirimat. Produit par le laboratoire Siga, c’est un médicament destiné au traitement des infections aux poxvirus (variole, mpox et cowpox) dont les interactions moléculaires sont connues. “Il fonctionne sur des modèles animaux, précise Olivier Schwartz. Mais son efficacité clinique reste à être démontrée sur le terrain.” D’après le virologue, les études en cours sur le terrain ne semblent pas actuellement concluantes.
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