Pour Xavier Bertrand, la France peut tout à fait supprimer la TVA sur des produits de première nécessité.
Dernière modification : 17 juin 2022
Auteur : Vincent Couronne
Source : RTL, 14 mars 2019
Supprimer la TVA pour les produits de base est interdit par la directive de 2006. Il faudrait pour cela parvenir à convaincre le Parlement européen et les États membres de l’Union à modifier cette directive. Un débat pour les européennes de mai 2019 ?
L’idée de la suppression de la TVA sur les produits de base ou la nourriture fait un retour ces derniers jours, après avoir été reprise par Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France. D’après Le Monde, l’idée se retrouve dans de « nombreuses contributions » sur la plateforme du Grand débat national. Et le Premier ministre, Édouard Philippe, avait affirmé sur France Inter que cette proposition était « juridiquement » possible, à condition, sous-entendait-il, de convaincre les partenaires européens de la France. Et c’est là que le bât blesse.
La France maîtrise ses taux de TVA, mais dans une certaine mesure seulement. Les États membres de l’Union ont en effet voulu, dès 1977, fixer des seuils planchers afin de limiter la concurrence fiscale au sein de l’Union. Aujourd’hui, et après plusieurs révisions de la directive de 1977, le taux normal doit se situer au-dessus 15 %. La France a fait le choix d’un taux à 20 %. Deux taux réduits qui ne vont pas en deçà de 5 % peuvent être appliqués, mais pour une liste bien définie de produits et services, et prévue par une directive européenne de 2006. Cette liste comprend des biens et des services de base (alimentation, eau, logement, soins médicaux, etc.), ou qui remplissent une fonction d’intérêt général ou culturel (droits d’auteurs, transports, sport, enlèvement des déchets, spectacle, etc.). Cette liste permet d’éviter que les États membres profitent des taux réduits pour là aussi se faire concurrence sur des biens ou des services qui remplissent une fonction sociale.
Peut-on fixer le seuil des taux réduits à moins de 5 % ? Il se trouve qu’un taux inférieur existe en France. Les premières de pièces de théâtre, concert ou cirque bénéficient d’un taux « super réduit » de 2,10 % (sauf pour les pièces pornographiques, exclues de ce taux avantageux par le code général des impôts…). Mais c’est aussi le cas des médicaments remboursés par la sécurité sociale, ou encore de la presse non quotidienne. C’est une pratique prévue par le droit de l’Union, qui permet le maintien de ce taux « super réduit » s’il existait avant 1991, et s’il est justifié par un intérêt social. La Commission européenne avait tenté de remettre en question ce taux pour les médicaments remboursés, mais la Cour de justice de l’Union européenne avait volé au secours de la France. C’est dans ces circonstances que des États comme le Royaume-Uni ont un taux de TVA à 0 % sur certains produits alimentaires : ils appliquaient déjà ce taux avant 1991.
Bilan : il n’est pas possible de descendre en dessous du seuil de 5 %, sauf pour les produits qui bénéficiaient déjà d’un taux inférieur avant 1991, ce qui n’est pas le cas des produits alimentaires : la France, contrairement au Royaume-Uni, n’ayant pas fait ce choix à l’époque.
Pour supprimer la TVA sur les produits de base, il faudrait alors convaincre les États membres de modifier la directive de 2006, mais aussi convaincre une majorité au Parlement européen, qui a son mot à dire. Xavier Bertrand cite le Commissaire européen Pierre Moscovici, qui avait déclaré sur LCP que la Commission européenne ne s’opposerait pas à une telle réforme. Mais le président de la région Hauts-de-France oublie la suite du propos : il faudra l’accord des États membres (et du Parlement européen), ce qui est une autre paire de manches et prendrait du temps, mais ce n’est évidemment pas impossible.
Autre piste, améliorer la redistribution des recettes de l’impôt en faveur des plus démunis, la suppression de la TVA pouvant être considérée à certains égards comme une fausse bonne idée.
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