#FactCheck. Non, le bon niveau des nappes phréatiques n’empêche pas une possible sécheresse cet été
Autrice : Lili Pillot, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Gladys Costes, étudiante en licence de Science politique à Lille
Source : Compte Instagram, le 31 mai 2024
En légende d’un post Instagram, un internaute accuse de menteurs les journalistes évoquant de potentiels épisodes de sécheresse cet été, malgré le bon niveau des nappes phréatiques. Sauf que le média n’a pas tort. Si la France aborde la saison estivale dans de meilleures conditions que 2023, des épisodes de sécheresse ne sont pas exclus.
Une bonne nouvelle ? Printemps pluvieux rime forcément avec été sans sécheresse ? C’est en tout cas la conclusion hâtive d’un internaute, affirmant que les journalistes qui écrivent le contraire “manipulent les esprits et font avaler des mensonges énormes”. L’article en question est publié par le Huffington Post le 26 mai 2024 et titre : “Les nappes phréatiques sont pleines, mais le risque de sécheresse en France n’est pas écarté pour l’été”.
Sous la publication Instagram, accompagnée des tags #stopecologie et #stopmanipilationmediatique, un internaute renchérit : “Les journaux sont subventionnés pour relayer ce genre de message climatique, politique”.
Alors, est-ce que nos confrères mentent lorsqu’ils écrivent qu’un bon niveau des nappes phréatiques n’exclue pas des épisodes de sécheresse ? Non, au contraire, comme nous l’ont confirmé deux experts du sujet que nous avons contactés.
Risque de sécheresse des sols
D’abord, est-il juste d’établir un lien de cause à effet d’une saison à une autre comme le font ces internautes ? “Non, on ne peut pas”, explique Christelle Marlin, professeur d’hydrogéologie à l’Université Paris-Saclay et chercheur au CNRS. “La température d’une saison n’a rien à voir avec la suivante. Idem pour la pluie. C’est indépendant”.
Bien sûr, en France, le printemps 2024 a été le 4ᵉ le plus pluvieux jamais enregistré selon Météo France. Résultat : “65 % des niveaux des nappes phréatiques sont au-dessus des normales mensuelles”, rapporte le Bureau de recherches géologiques et minières. En comparaison, l’année dernière, 68 % des niveaux des nappes phréatiques se trouvaient sous les normales mensuelles. Mais cette année, pour le Service géologique national, “la situation est très satisfaisante sur une grande partie du territoire”.
Une bonne nouvelle donc, car ce sont ces nappes phréatiques qui alimentent directement les cours d’eau. “L’écoulement sera soutenu dans les rivières de France cet été”, annonce Vazken Andreassian, hydrologue et directeur de recherche à l’INRAE. Christelle Marlin confirme : “a priori, il n’y aura pas de sécheresse dans les rivières. Sauf peut-être dans le sud et notamment les Pyrénées-orientales”.
Il n’empêche “qu’il y a un risque de sécheresse des sols, en plateaux et sur les terres agricoles, car ils sont assez dépendants des précipitations” sur le plus court terme, explique Christelle Marlin. “Cette sécheresse est dépendante de la pluviométrie des mois de juillet et août. Si les sols sont en déficit, on sera obligé d’aller irriguer en eau et donc de prélever dans les nappes”.
“On ne fait pas des statistiques avec un événement”
La situation est d’autant moins optimiste que le laisse croire les internautes puisque le printemps 2024 s’est terminé au-dessus des normales de saison selon Météo France, avec une anomalie d’environ +0.7 °C par rapport à la normale 1991-2020. Au niveau mondial, le mois de mai 2024 aura même été le plus chaud de ceux jamais enregistrés.
Car s’il pleuvait dru à Clermont-Ferrand un week-end de mai, il a fait jusqu’à 31,1 °c en Norvège, dans la ville de Frosta le 26 mai 2024.
Autre erreur de la part de nos internautes, la comparaison entre un printemps pluvieux à un instant donné et le réchauffement globale de la planète : “Ce n’est pas avec un événement qu’on juge une tendance de long terme. On ne fait pas de statistiques avec un événement”, rappelle Vazken Andreassian.
“Pour observer le dérèglement climatique, on va regarder les évolutions avec un recul d’au moins 30 ans de données. Les données du GIEC permettent de se projeter à long terme, on sait que les extrêmes vont s’intensifier, mais pas forcément de manière progressive. Le changement climatique, c’est l’amplification de ces extrêmes. Ce n’est pas à l’échelle d’une saison qu’il faut regarder. C’est à celle de plusieurs décennies que ça se joue”, abonde Christelle Marlin.
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