Crédits photo : Alesclar, CC 3.0

Laurent Wauquiez “Aujourd’hui, le Conseil constitutionnel n’est plus à la place qui lui a été dévolue par la Constitution de la Ve République”

Création : 2 mai 2024

Auteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’Université de Poitiers

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction: Guillaume Baticle

Source : Le Parisien, 25 janvier 2024

Le Conseil constitutionnel est à la place qui lui a été dévolue par la Constitution de la Ve République, tant dans sa version initiale en 1958 que dans sa version actuelle, qui est le fruit de révisions votées par le Parlement réuni en Congrès.

Réagissant à la censure massive de la « Loi immigration » par le Conseil constitutionnel, le Président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a déclaré, dans un entretien au Parisien, que le Conseil constitutionnel n’était plus à la place qui lui avait été dévolue par la Constitution de la Ve République. S’il est vrai que les missions de cette institution ont évolué depuis sa création en 1958, c’est en raison de révisions de la Constitution et non à la seule initiative du Conseil constitutionnel. En tout état de cause, ces révisions n’ont pas remis en cause, fondamentalement, le rôle dévolu à cette institution depuis 1958.

Le Conseil constitutionnel, est à la place qui lui a été assignée en 1958

Contrairement à ce qu’énonce Laurent Wauquiez, le Conseil constitutionnel n’est pas progressivement « sorti de son lit » en s’éloignant du rôle qui lui avait été attribué par les rédacteurs de la Constitution en 1958. Il est erroné, en particulier, d’énoncer que « son rôle théoriquement était de faire le partage entre la loi et le règlement ». Certes, aux termes de l’article 41 de la Constitution le Conseil exerce une fonction de gardien de la séparation entre le ce qui relève de la loi (le législateur) et  du règlement (l’exécutif). Toutefois, dès 1958, le Conseil constitutionnel a été investi de compétences beaucoup plus variées.

Ainsi, conformément à l’article 58 de la Constitution , « le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l’élection du Président de la République ». Conformément à l’article 59, il veille à la régularité des élections des députés et des sénateurs. Conformément à l’article 60, il veille à la régularité des opérations de référendum. Conformément à l’article 54, il contrôle la conformité à la Constitution des traités internationaux avant leur ratification lorsqu’il est saisi à cette fin. Enfin et surtout, conformément à l’article 61 il contrôle la conformité à la Constitution des lois et des règlements des assemblées parlementaires avant leur mise en application, soit automatiquement, soit sur saisine d’une autre autorité comme le Président de l’Assemblée nationale.

En somme, loin de “sortir de son lit”, en exerçant ces diverses compétences, le Conseil constitutionnel s’est montré respectueux du rôle qui lui avait été dévolu en 1958.

Le Conseil constitutionnel est à la place qui lui a été assignée après 1958

Sans aucun doute, depuis 1958 la place du Conseil constitutionnel a évolué. Mais cette évolution est moins la résultante d’un « coup d’État de droit » dont cette institution serait à l’origine, que de révisions de la Constitution votées… par le Parlement lui-même, conformément à l’article 89 de la Constitution.

Certes, depuis une décision rendue en 1971, le Conseil constitutionnel a commencé à contrôler la conformité des lois par rapport à des textes qui ne sont pas inscrits dans la Constitution mais auxquels renvoie son Préambule (Par exemple la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (DDHC)). Pour autant, la possibilité pour le Conseil de se référer à ces textes n’avait pas été formellement exclue par la Constitution de 1958 et, en tout état de cause, cette interprétation de la Constitution a été confirmée par une révision constitutionnelle adoptée le 23 juillet 2008. Depuis cette date, en effet, la Constitution se réfère expressément “aux droits et libertés que la Constitution garantit” (article 61-1 de la Constitution), lesquels se trouvent pour l’essentiel dans la DDHC et désormais dans la Charte de l’environnement de 2005.

L’enrichissement de l’activité du Conseil constitutionnel et des sources textuelles sur le fondement desquels il statue désormais résulte donc de choix qui ont été exprimés ou confirmés dans le cadre de révisions de la Constitution. Il en va ainsi, par exemple, de la faculté reconnue à soixante députés ou soixante sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel (révision constitutionnelle du 29 octobre 1974) ou de la question prioritaire de constitutionnalité qui permet, sous certaines conditions, de contrôler la constitutionnalité de lois déjà promulguées (révision constitutionnelle du 23 juillet 2008).

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