Le Conseil municipal de Bordeaux du mardi 9 avril a connu un débat agité autour de la sécurité dans la ville. En effet, l’opposition de droite représentée par Nicolas Florian proposait de doter la police municipale bordelaise d’« armes létales« . Le Figaro, dans un article du 10 avril 2024, a relaté une partie de ce débat houleux : l’adjoint à la sécurité, Marc Etcheverry, répondait à cette proposition en déclarant que selon lui, « armer la police municipale, dont la mission consiste à assurer la tranquillité publique signifierait avoir toujours plus de policiers municipaux en policiers nationaux de substitution« . Pour l’adjoint écologiste, les policiers municipaux, s’ils étaient dotés d’armes létales, sortiraient de leur rôle, qui ne serait selon lui que d’assurer la « tranquillité publique« , et pas de « faire progressivement des actes qui relèvent de la sécurité publique« .
C’est sa conception de la police municipale, mais le droit ne cantonne pas les policiers municipaux au maintien de la tranquillité publique.
La police municipale préserve l’ordre public dans tous ses aspects
En effet, le maire d’une commune est doté du pouvoir dit de « police administrative municipale« .
L’article L2212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) régit l’objectif de la police administrative municipale : « (elle) a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». L’expression « tranquillité publique » apparait dans le paragraphe 3 du même article, et s’entend des mesures destinées à empêcher les troubles du voisinage, les attroupements, les rassemblements nocturnes, les bruits excessifs, la mendicité dite agressive, etc.
Néanmoins, la mission de la police municipale est aussi de préserver la salubrité publique. Par exemple sous l’égide du maire, elle peut lutter contre l’habitat insalubre ou encore participer à la lutte contre les pandémies.
Enfin, la sécurité publique, troisième composante de l’ordre public, se traduit par la mise en place de mesures visant à prévenir les atteintes aux personnes et aux biens par des surveillances, ou à limiter les dégâts causés par des catastrophes naturelles par des mesures préventives.
Le maire exerce cette police soit par lui-même, soit en faisant appel aux forces de l’ordre nationales, soit encore en dotant sa commune d’une police municipale. Cette police municipale est donc potentiellement compétente sur tous les aspects de la police administrative municipale : L. 511-1 du code de sécurité intérieure CSI prévoit bien que « la police nationale et de la gendarmerie nationale, les agents de police municipale exécutent, dans la limite de leurs attributions et sous son autorité, les tâches relevant de la compétence du maire que celui-ci leur confie en matière de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques ». En somme, il appartient au maire de définir les compétences de la police municipale, qu’il peut parfaitement cantonner à la tranquillité publique.
Un choix politique
L’adjoint au maire Marc Etcheverry exprime donc moins un choix politique local (celui de limiter le rôle de la police municipale à la préservation de la tranquillité publique) qu’une obligation juridique, qui n’existe pas en l’occurrence.
S’il justifie son choix par le fait que la sécurité publique relèverait uniquement des forces de l’ordre nationales, c’est encore faux juridiquement, car la police nationale comme la gendarmerie ont aussi en charge la tranquillité et la salubrité publiques.
Sur un plan plus politique, l’adjoint au maire se refuse à armer la police municipale car cela « viendrait consacrer le désengagement de l’État » : autrement dit, l’Etat investirait toujours moins dans la police nationale au frais du contribuable national, pour forcer les communes à compenser par la création de polices municipales aux frais du contribuable local. Ce sont des considérations liées à la conception de l’organisation étatique, qu’il ne nous appartient pas de commenter.
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