Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU : et si Israël ne s’y conforme pas ?
Auteurs : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Clotilde Jégousse, journaliste
Relecteur : Vincent Couronne, chercheur associé en droit européen au centre de recherches Versailles Institutions Publiques, enseignant en droit européen à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye
Les Nations Unies disposent de moyens pour faire respecter la résolution demandant un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, adoptée lundi 25 mars. En pratique, leur mobilisation nécessite toutefois un consensus politique beaucoup moins évident.
Israël compte bien poursuivre ses opérations militaires. Alors que l’abstention des États-Unis a permis au Conseil de sécurité des Nations Unies d’adopter, pour la première fois depuis l’attaque du 7 octobre, une résolution pour un “cessez-le-feu immédiat” et la “libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages”, l’État hébreu continue de faire de cette libération des otages un prérequis pour le cessez-le-feu.
« Nous n’avons pas le droit moral d’arrêter la guerre tant qu’il y a des otages à Gaza », a rétorqué le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant. Les États-Unis, par l’intermédiaire du porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller, ont d’ailleurs qualifié la résolution de “non contraignante”.
Mardi 26 janvier, lendemain de la résolution, l’armée a revendiqué des attaques sur plus de 60 cibles sur la bande de Gaza. Israël s’est pourtant engagé à respecter les décisions du Conseil de sécurité, comme tous les États membres des Nations Unies.
Les États sont-ils tenus de respecter les décisions du Conseil de sécurité ?
Le Conseil de sécurité de l’ONU est l’organe compétent pour maintenir la paix et la sécurité internationales (article 24 de la Charte des Nations unies). Les articles 39 et 40 prévoient qu’il “constate l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression” et peut prendre des mesures pour préserver ou rétablir la paix. Ses résolutions, lorsqu’il n’est pas précisé qu’il s’agit de simples avis ou recommandations, sont contraignantes. L’article 25 précise que les États membres de l’ONU s’engagent à respecter les décisions du Conseil de sécurité, et c’est le cas d’Israël en tant que membre des Nations Unies depuis 1949.
Ce n’est pas la première fois que le pays fait fi d’une résolution adoptée par le Conseil de sécurité. Des rapports présentés devant lui ou rédigés par des associations comme Amnesty international et Human Rights watch ont notamment documenté le non-respect par Israël de la résolution 2334 du 23 décembre 2016, lui demandant de cesser la colonisation de la Cisjordanie.
Le pays n’est cependant pas le seul à s’être arrangé avec les résolutions de l’organe. Le Soudan, après l’adoption de la résolution 1591 en 2005, n’a par exemple pas coopéré pour mettre fin aux violations des droits de l’Homme commises dans la région du Darfour comme cela lui était demandé. Même chose pour la Somalie, en proie à une guerre civile au début des années 1990. Le pays n’a jamais respecté la résolution prise par le Conseil de sécurité le 23 janvier 1992 pour exiger un cessez-le-feu.
Quelles sanctions en cas de non-respect des résolutions ?
Le Conseil de sécurité dispose d’un arsenal pour tordre le bras des États sans mobiliser de force armée. L’article 41 de la Charte prévoit la possibilité de mettre fin à des relations économiques ou d’ordonner des embargos. Le Conseil de sécurité a par exemple décidé d’un embargo sur la vente d’armes et de munitions en Haïti en 2022, ainsi qu’une interdiction de voyager et le gel des avoirs des groupes armés pour tenter d’affaiblir les gangs qui menacent la sécurité du pays.
Si ces mesures s’avèrent inefficaces, il peut recourir à la force armée pour rétablir la paix (article 42). Des soldats provenant des Etats membres de l’ONU, sous bannière de l’organisation, appelés les “casques bleus”, sont alors déployés dans la zone concernée. Ce fût notamment le cas en Somalie 1992 (résolution 751 du 24 avril), ou au Liban en 2006. Après l’adoption de la résolution 1701, qui prévoyait la cessation des hostilités entre Israël et le Hezbollah, 15 000 casques bleus de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) avaient été déployés pour la faire appliquer.
Enfin, l’article 6 prévoit que si un membre de l’Organisation “enfreint de manière persistante les principes énoncés dans la présente Charte” – en l’occurence si Israël persiste à mener une guerre, ignorant ainsi les décisions et mesures prises par le Conseil de sécurité – celui-ci peut recommander à l’Assemblée générale de l’exclure purement et simplement de l’Organisation des Nations Unies. Un scénario qui reste néanmoins hautement improbable : même la Corée du Nord, régulièrement accusée de violations “atroces” et “inimaginables” des droits humains contre sa population devant le Conseil de sécurité, n’a jamais fait l’objet d’une telle mesure.
Toutes les décisions prises par le Conseil de sécurité sont soumises au vote des 15 membres, dont cinq membres permanents (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni), ces derniers pouvant opposer leur véto. Si demander un cessez-le-feu est une chose, voter des sanctions pour non-respect de celui-ci en est toutefois une autre. Et, à ce jour, rien ne dit que tous les États, en particulier les États-Unis, allié historique d’Israël, y consentiraient.
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