« L’UE envisage d’interdire les réparations sur les voitures de plus de 15 ans. Certains propriétaires de voitures pourraient perdre leur droit de propriété »

Création : 3 mars 2024
Dernière modification : 3 avril 2024

Autrice : Amandine Tochon, master de droit international et droit européen, Université de Lille

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Relecteurs : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Christian Osorio Bernal, juriste et enseignant en droit européen et international des affaires, Université de Lille

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Source : Compte Instagram "démotivateur", 24 février 2024

D’abord, il s’agit d’un texte proposé par la Commission, et le Parlement européen ne s’est pas encore prononcé. Ensuite, ce texte ne fait que préciser les critère de ce qu’on appelle un « véhicule hors d’usage » qui doit être recyclé en tant que déchet. Mais rien n’empêche de le réparer et personne ne va le confisquer au propriétaire.

De nombreux contenus en ligne publiés sur Instagram, X (ex Twitter), Facebook et Youtube dépeignent des individus inquiets quant à la possibilité de perdre leur voiture. Ils affirment que la Commission européenne envisage d’interdire la circulation et la réparation des véhicules de plus de 15 ans et à fort kilométrage. C’est faux.

Ces craintes sont fondées sur une proposition de règlement, en date du 13 juillet 2023, émanant de la Commission européenne. Celle-ci vise à actualiser une directive des années 2000 et concernant la gestion des véhicules hors d’usage (VHU) en fin de vie.

A l’origine : le Pacte vert pour l’Europe

Le plan d’action en faveur de l’économie circulaire et la nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe  établissent la feuille de route pour que l’industrie européenne atteigne les objectifs du Pacte vert pour l’Europe proposé par le Commission en 2019. Ce dernier prévoit, notamment, la révision de la législation sur les véhicules hors d’usage afin de promouvoir l’économie circulaire, et de mettre en place un recyclage plus systématique et obligatoire pour certains matériaux.

Parallèlement, le plan d’action de l’UE « Vers une pollution zéro dans l’air, l’eau et les sols » de 2021 prône de nouvelles mesures concernant l’empreinte environnementale externe de l’Union liée à l’exportation de véhicules hors d’usage et de véhicules d’occasion.

Seuls sont concernés les véhicules « hors d’usage »

A travers sa proposition, la Commission européenne cherche à lutter contre le contournement de la réglementation sur les véhicules hors d’usage, qui consiste pour certaines opérateurs à faire passer pour des véhicules d’occasions des véhicules qui, en réalité, relèvent de la définition des VHU. Selon un rapport de la Commission européenne réalisé en 2021, 3,8 millions de véhicules en fin de vie auraient disparu du marché légal en 2017. Ces véhicules sont traités ou exportés irrégulièrement, dans des conditions présentant des risques pour l’environnement, notamment de pollution des milieux naturels par les huiles de vidange, les graisses, les acides de batterie. Ainsi, la proposition de règlement a pour objectif de lutter contre la filière illégale de traitement des VHU.

Pour cela, la Commission établit une distinction plus nette entre les véhicules d’occasion et les véhicules hors d’usage. Elle définit des critères du véhicule considéré comme « irréparable sur le plan technique ». L’article 3 en projet prévoit ainsi que le « véhicule hors d’usage » est un « véhicule qui répond à la qualification de déchet selon la directive 2008/98/CE, et qui doit donc être traité comme tel, notamment en termes de recyclage.

La proposition de règlement énumère plusieurs critères pour déterminer quand un véhicule doit être considéré comme techniquement irréparable et donc un déchet. Par exemple, un véhicule est techniquement irréparable si il est « en morceaux ou déshabillé« , « soudé » ou « complètement brûlé« , si « sa réparation nécessite le remplacement du moteur, de la boîte de vitesses, de la carrosserie ou du châssis, ce qui entraîne la perte de l’identité d’origine du véhicule« .

L’âge du véhicule n’est pas un critère du « hors d’usage »

La proposition de la Commission n’implique en aucun cas une interdiction de principe de réparation pour les propriétaires d’un véhicule de plus de 15 ans. Elle constitue davantage un encadrement visant à accompagner les propriétaires des véhicules hors d’usage souhaitant s’en débarrasser. C’est le cas, notamment, lorsqu’un propriétaire souhaite  réparer un véhicule dont l’état correspond aux critères d’irréparabilité (et donc hors d’usage), alors que les coûts de réparation sont tels qu’il doit s’interroger sur la pertinence de conserver ce véhicule immatriculé et en circulation. Mais rien ne lui interdit de réparer. La proposition de la Commission n’implique ni une interdiction de réparation, ni une obligation de se débarrasser de son véhicule auprès d’un centre agréé pour VHU.

Personne ne va confisquer ces véhicules !

En tout état de cause, ajoutons qu’on voit mal sur quel fondement juridique les propriétaires pourraient « perdre leur droit de propriété » comme l’affirme l’auteur du post. Cette affirmation est purement fantaisiste. La proposition de la Commission ne comporte aucune disposition de ce type, qui serait tout simplement contraire au droit de propriété qui est aussi protégé par le droit européen.

Ajoutons enfin, cette proposition de révision est toujours en discussion, non encore adoptée. En somme, beaucoup de bruit pour rien.

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