Marc Fesneau promet aux agriculteurs de “mettre le plan Ecophyto sur pause”
Dernière modification : 5 février 2024
Autrice : Carole Hermon, professeur de droit public, Université Toulouse Capitole, Centre de recherches IEJUC
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Paris-Saclay
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle
Source : Ouest France, 1er février 2024
Mettre en pause un plan de 2018 et des objectifs datant de 2009 qui à ce jour ne sont pas respectés pourrait avoir du sens, à ceci près que les obligations européennes demeurent, et que les juges nationaux sanctionnent le non respect des objectifs européens, notamment celui d’établir des plans de réduction de l’utilisation des pesticides.
En réponse à la colère des agriculteurs, Gabriel Attal et Marc Fesneau ont annoncé, notamment, vouloir mettre le plan Ecophyto “en pause”. De quoi s’agit-il ?
Ce plan recouvre tout un ensemble de dispositifs visant à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires par les agriculteurs et à trouver des voies alternatives aux traitements chimiques (réseau de fermes pilotes, formation, aides…). On manque de précisions sur ce qu’il convient exactement de suspendre dans cette “boîte à outils”, mais il semblerait que le Gouvernement renonce, au moins temporairement, à fixer de nouveaux objectifs de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires.
Des objectifs non tenus et des juges qui sanctionnent l’Etat
Mais si c’est bien ce que cache la formule, il faut en relativiser la portée. Des objectifs de réduction de l’utilisation des pesticides ont été posés en droit, et cela depuis longtemps (notamment dans la loi Grenelle I du 3 août 2009), et schématiquement l’objectif est toujours le même : diminuer de moitié l’utilisation des pesticides. Le dernier plan Ecophyto, qui date de 2018, prévoit d’avancer en deux temps : – 25% en 2020, puis -25% d’ici à 2025.
Or, ces objectifs ne sont pas tenus. Cela a été dénoncé par la Cour des comptes (référé du 27 nov 2019), mais, surtout, a donné lieu à une condamnation de l’Etat en 2023 (TA Paris 29 juin 2023). Selon le tribunal administratif, l’Etat n’a pas respecté les objectifs qu’il s’est fixés et cela constitue une carence fautive qui a engendré divers préjudices écologiques. En conséquence, il enjoint le Premier ministre et les ministres compétents “de prendre toutes les mesures utiles de nature… (à rétablir) la cohérence du rythme de diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires avec la trajectoire prévue par les plans Ecophyto” d’ici au 30 juin 2024. Il ne saurait donc à ce sujet y avoir de “pause”, sauf à admettre l’idée d’une nouvelle condamnation de l’Etat qui n’aurait pas exécuté la décision de justice.
Les obligations européennes demeurent
Par ailleurs, si le droit de l’Union européenne ne comprend pas d’objectifs chiffrés de diminution de l’utilisation des pesticides si ce n’est dans le Pacte vert de la Commission, il n’en demeure pas moins qu’une directive du 21 octobre 2009 prévoit que tous les Etats membres doivent établir des plans avec des objectifs, un calendrier, etc pour limiter les risques des pesticides et que ces plans doivent être réexaminés au moins tous les cinq ans. Donc, là encore, il ne peut, en droit, y avoir de “pause” sauf à prendre le risque d’un recours devant la Cour de justice de l’Union.
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