Pour Eric Coquerel, le refus du vote de confiance par le Premier ministre est “anti-constitutionnel”
Dernière modification : 18 janvier 2024
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
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Secrétariat de rédaction : Sasha Morsli Gauthier
Source : Compte X d'Eric Coquerel, 16 janvier 2024
Si le texte de la Constitution semble imposer une déclaration de politique générale avec engagement de la responsabilité du gouvernement, depuis Pompidou, les premiers ministres se sont affranchis de cette obligation qui d’ailleurs est bien imprécise.
Une semaine après sa nomination en tant que Premier ministre, Gabriel Attal a fait savoir qu’il ne se soumettrait pas à un vote de confiance des députés, et qu’il se bornera à prononcer un discours de politique générale. Une pratique “anti-constitutionnelle” selon le député LFI Eric Coquerel. Les constitutionnalistes ne sont pas de cet avis.
Que dit la Constitution ?
Le premier alinéa de l’article 49 de la Constitution prévoit que “le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement” sur son programme à l’issue d’une déclaration de politique générale. Cette déclaration est alors suivie d’un un vote dit “de confiance.”
Que disent ceux en charge de l’appliquer ?
Alors même que ce texte est rédigé au présent, ce qui en droit signifie impératif, très tôt, les premiers ministres ont estimé qu’ils n’étaient pas obligés d’engager leur responsabilité lors de leur entrée en fonction. Dès 1966, Georges Pompidou affirmait que le gouvernement est “entièrement libre de demander ou non un vote de confiance.” Suivant cette interprétation, les premiers ministres à la tête d’une majorité relative à l’Assemblée nationale (Michel Rocard, Edith Cresson, Pierre Bérégovoy entre 1988 et 1993) se sont abstenus d’engager leur responsabilité. À leur suite, Elisabeth Borne a fait de même en 2022.
Cette interprétation de l’article 49 alinéa 1 est confortée par ce qu’on appelle les travaux préparatoires de la Constitution de 1958, c’est-à-dire les différents projets et les notes qui les ont accompagnés.
Que disent les constitutionnalistes ?
En conséquence, la majorité des constitutionnalistes considère que le Premier ministre n’est, en définitive, pas obligé d’engager sa responsabilité, d’autant que l’article en question ne mentionne aucune période précise durant laquelle le Premier ministre devrait engager la responsabilité de son gouvernement. Est-ce au début de sa mission, plus tard, à la fin, périodiquement ? Ce n’est pas précisé.
On notera toutefois qu’une minorité de constitutionnalistes retient une interprétation stricte de l’article 49 alinéa 1, avec pour argument qu’il ne faut pas confondre le texte et la pratique politique. C’est un peu comme si on considérait qu’une limite de vitesse n’est pas valable parce que tout le monde la dépasse.
Reste que même en retenant cette interprétation, l’article 49 alinéa 1 ne prévoit aucune sanction pour non-respect de cette obligation. À une nuance près, importante. S’ils estiment que le Premier ministre aurait dû engager la responsabilité de son gouvernement, les députés sont fondés à prendre eux-mêmes l’initiative d’engager cette responsabilité en déposant une motion de censure (article 49 alinéa 2 de la Constitution).
Contacté, Eric Coquerel n’a pas répondu à nos sollicitations.
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