Le Conseil constitutionnel a-t-il affirmé que le gouvernement peut encore avoir recours au 49.3 avant l’été?
Dernière modification : 22 décembre 2023
Auteur : Mathieu Carpentier, professeur de droit public, Université Toulouse Capitole
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public, Université de Poitiers
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Secrétariat de rédaction : Sasha Morsli Gauthier
Le Conseil constitutionnel a rendu, jeudi 14 décembre, une décision n° 2023-857 DC très attendue sur la Loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027, adoptée par le Parlement le 16 novembre dernier à la faveur d’un recours à la procédure du « 49.3 ». Plusieurs commentateurs en ont déduit que le Conseil constitutionnel autorisait ce faisant la Première ministre à recourir au 49.3 sur un autre texte avant l’été prochain. Le Conseil constitutionnel, dans la décision du 14 décembre n’a rien dit de tel – car ce n’était pas la question qu’il lui était demandé de trancher.
Ce que dit la décision du 14 décembre
La Première ministre avait tout d’abord engagé la responsabilité de son gouvernement sur la LPFP en nouvelle lecture au cours de la session extraordinaire de septembre, puis en lecture définitive au cours de la session ordinaire (qui se déroule d’octobre 2023 à juin 2024). Les députés du Rassemblement national (RN) à l’origine de la saisine soulevaient la question suivante : pouvait-elle ainsi recourir à la procédure du 49.3 sur un même texte à plusieurs reprises au cours de plusieurs sessions parlementaires différentes ?
Sans surprise, le Conseil constitutionnel a répondu par l’affirmative. En effet, si la révision constitutionnelle de 2008 a limité la liberté d’usage du 49.3 à « un [texte] par session », sauf projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, il ne s’en déduit pas qu’il faille entendre par là « un texte différent par session ». Du reste, l’hypothèse s’était déjà présentée en 2015 et en 2016 et le Conseil constitutionnel n’y avait trouvé rien à redire (décisions du 5 août 2015 et du 4 août 2016) – même s’il n’avait pas été directement saisi de cette question par les requérants d’alors.
Ce que ne dit pas la décision du 14 décembre
En revanche, la décision du 14 décembre reste muette sur la question – différente – de savoir si, ayant eu recours à la procédure du 49.3 sur la LPFP au cours de la session ordinaire, la Première ministre peut y avoir de nouveau recours lors de la même session sur un autre texte non financier – la LPFP n’étant pas une loi de finances –, par exemple sur le projet de loi sur l’immigration actuellement en cours de discussion au Parlement.
Cette question est débattue. L’auteur de ces lignes a défendu l’idée selon laquelle la Constitution autorise autant de recours que nécessaire au 49.3 au cours d’une même session (en première lecture, en nouvelle lecture etc …), pourvu que ces différents recours portent sur un seul et même texte. Dès lors que la Première ministre a engagé la responsabilité du gouvernement sur la LPFP au cours de la session ordinaire, elle a « brûlé sa cartouche » : elle ne peut recourir au 49.3 sur un deuxième texte au motif qu’elle l’aurait déjà fait sur le premier texte lors d’une précédente lecture au cours d’une session antérieure – sauf à admettre qu’elle puisse engager la responsabilité de son gouvernement sur deux textes non financiers au cours d’une même session. Or la lettre claire de la Constitution parle d’« un texte par session ». Autrement dit Mme Borne devra, selon nous, attendre une éventuelle session extraordinaire en juillet 2024 avant de pouvoir engager de nouveau la responsabilité de son gouvernement sur un texte non financier.
En tout état de cause cette question n’a pas été tranchée – et n’avait pas à l’être – dans la décision du 14 décembre, et le Conseil constitutionnel devra en être saisi lors d’un recours dirigé contre le deuxième texte en question.
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