Le statut constitutionnel de la Nouvelle-Calédonie : des institutions sur mesures 1/2
Auteur : Guillaume Baticle, master de droit public, Université de Picardie Jules Verne
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Yeni Daimallah et Emma Cacciamani
La Nouvelle-Calédonie n’est pas une collectivité comme les autres car elle dispose de ses propres pouvoirs exécutif et législatif. Elle a son propre fonctionnement institutionnel, même si l’Etat n’est pas loin pour contrôler le respect des lois françaises.
Emmanuel Macron a commencé cette semaine sa deuxième visite de la Nouvelle-Calédonie en tant que Président de la République. Une occasion d’expliquer le cas juridique très particulier de ce bout de territoire français du pacifique. Cette collectivité se distingue du reste du territoire français, métropolitain et d’outre-mer, tout d’abord par sa forme institutionnelle.
UNE COLLECTIVITÉ TERRITORIALE À STATUT PARTICULIER
En 1998 était signé l’accord de Nouméa entre l’Etat français et les partis calédoniens RPCR (loyalistes) et FLNKS (indépendantistes). Cet accord, intégré à la Constitution par la loi constitutionnelle de juillet 1998, prévoit les conditions, à terme, de l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en vue de son accession à l’indépendance vis-à-vis de la France, par le biais de référendums qui devaient se tenir en 2014, 2018 et 2021. Tous ces référendums se sont conclus par un rejet de l’indépendance, le “non” l’ayant emporté de peu les deux premières fois puis par un score plus net la troisième fois, du fait du boycott décidé par les indépendantistes.
Le statut particulier de la Nouvelle-Calédonie fut ensuite précisé par une loi organique de 1999. Cette loi fait de l’archipel une collectivité dite sui generis (unique en son genre), rompant avec le principe d’égalité qui existe entre toutes les collectivités territoriales françaises. La Nouvelle-Calédonie n’est pas une collectivité d’outre-mer (“COM”, au sens des articles 73 et 74 de la Constitution) comme le sont la Martinique, la Guadeloupe, et les autres collectivités énumérées à l’article 72-3.
La Nouvelle-Calédonie se divise en trois collectivités territoriales qui sont des provinces : celle du Nord, celle du Sud et celle des Îles Loyauté, dotées chacune d’une assemblée de province. Elle possède ses propres institutions, et donc ses propres pouvoirs exécutif et législatif.
LES POUVOIRS EXÉCUTIF ET LÉGISLATIF NÉO-CALÉDONIENS
Les institutions calédoniennes et leur fonctionnement sont détaillés dans la loi organique de 1999.
Le pouvoir législatif est entre les mains du congrès, qui vote ce que l’on appelle les “lois de pays”. Elles ont une valeur législative au même titre que les lois issues du Parlement national. Il produit également des délibérations, actes administratifs et réglementaires pris en application des lois de pays (que le juge administratif peut contrôler). Il a en outre un rôle consultatif sur les projets de lois ou de traités qui s’appliqueront en Nouvelle-Calédonie. Les membres du congrès sont au nombre de cinquante-quatre et sont élus parmi les membres des assemblées de province au moment de leur élection, au suffrage universel direct. Cette élection est à l’image de celle des membres des intercommunalités, élus à l’occasion des élections municipales.
Le congrès élit parmi ses membres le gouvernement local, qui est le pouvoir exécutif. L’élection se fait sur la base de listes présentées par chaque groupe politique composant le congrès. Le nombre de sièges remportés est proportionnel au pourcentage de voix obtenues par les listes. Sont ainsi élus des gouvernements de coalition, qui restent en place jusqu’à la fin du mandat du congrès qui les a élus, ou si le congrès démet le gouvernement en votant une motion de censure. De son côté, le gouvernement ne peut pas dissoudre le congrès.
Une fois élu, le gouvernement élit son président qui est alors le chef de l’exécutif de Nouvelle-Calédonie.
LA PLACE LAISSÉE À LA COUTUME AU SEIN DES INSTITUTIONS
L’accord de Nouméa a appuyé sur la nécessité de promouvoir la coutume locale et l’identité kanak (le nom des autochtones qui peuplent en majorité la Nouvelle-Calédonie). La Nouvelle-Calédonie possède des aires coumières sur son territoire, qui sont des subdivisions au sein des provinces. Ces aires correspondent chacune à une tribu kanak, et possèdent un conseil coutumier. Ces conseils désignent les membres du sénat coutumier, garant de la culture kanak. Il est consulté pour avis sur les projets et proposition de loi de pays, lorsque sont concernés le statut civil coutumier et la culture kanak.
LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE TOUJOURS PRÉSENTE
L’Etat n’est pas totalement absent de la collectivité puisqu’il est représenté par le haut-commissaire de la République, à l’image du préfet dans les départements. Il veille à l’exercice régulier des compétences des institutions locales et contrôle la légalité des actes. Il dirige les services de l’Etat sur le territoire de la collectivité. Malgré le souhait de rendre la Nouvelle-Calédonie autonome, le haut-commissaire rappelle que le Caillou fait toujours partie de la République.
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