7 octobre : les étudiants peuvent-ils accrocher des drapeaux palestiniens dans leurs universités ?
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Le Parisien, le 5 octobre 2024
Non seulement il est interdit d’utiliser les biens du domaine public universitaire pour faire passer des messages politiques, mais même s’ils demandaient l’autorisation, le président de l’université ne pourrait la leur accorder.
En fin de semaine dernière, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Patrick Hetzel, avait dénoncé les manifestations étudiantes en lien avec le conflit israélo-palestinien, contraires selon lui aux principes de neutralité et de laïcité de l’université. Nous l’avons d’ailleurs surligné.
En réponse à ce communiqué du ministre, Jean-Luc Mélenchon a appelé, à partir du 8 octobre, à accrocher des drapeaux palestiniens « partout où on peut ». Mais en réalité, cet appel ne peut pas s’appliquer aux universités. En effet, au regard du contexte géopolitique, accrocher un drapeau palestinien pourrait vraisemblablement être perçu comme un acte politique qui contrevient au principe de neutralité du service public.
Les étudiants libres d’exprimer leurs opinions…
Nous l’avons dit en surlignant le ministre de l’Enseignement supérieur, les étudiants sont des usagers du service public de l’enseignement supérieur, et à ce titre ne sont pas tenus à une obligation de neutralité. Bien au contraire, la loi leur permet de s’exprimer sur des sujets politiques d’actualité, comme le conflit au Moyen-Orient, et d’organiser des réunions, conférences ou autres manifestations.
… sans que celles-ci ne troublent l’ordre public
La seule limite posée par la loi et que cette expression ne doit pas troubler les activités d’enseignements dans les locaux de l’établissement. Les établissements sont ainsi tenus de permettre des manifestations, rassemblements ou conférences en mettant des locaux à disposition (comme une salle ou un amphithéâtre) et en définissant les conditions d’usage de ces locaux. Aussi, les organisateurs doivent garantir l’absence d’incidents compromettant le service public ou entraînant des infractions, comme des appels à la haine ou de violence. Les présidents d’universités disposent d’un pouvoir de police pour veiller à cet équilibre.
Atteinte à la neutralité des biens du domaine public
Les locaux d’une université font partie de ce que l’on appelle le domaine public, c’est-à-dire que le propriétaire est une personne publique (l’État ou une collectivité territoriale par exemple), et que ce bien est affecté au service public de l’enseignement. Cela signifie qu’il n’est pas question, pour des raisons de neutralité, d’affubler ce bien de drapeaux et autres signes politiques.
S’il est possible à des étudiants militants d’obtenir la mise à disposition d’une salle pour y faire valoir leur opinion, cela ne les autorise aucunement à accrocher « partout » des drapeaux. Cela reviendrait à porter atteinte à la neutralité des biens affectés au service public, et donc à la neutralité du service public lui-même.
En outre, dès lors que les murs de l’université relèvent du domaine public, le président est en charge de leur gestion et de leur préservation. Il est en devoir d’en assurer un usage de ces biens conforme à la mission du service public qu’ils hébergent (article L2121-1 du Code général de la propriété des personnes publiques).
Ainsi, il ne pourrait même pas autoriser les étudiants à accrocher des drapeaux « partout » sur ces locaux. Un cas similaire a déjà été rencontré lorsque des maires ont affublé la façade de leur mairie d’un gilet jaune ou d’une banderole en soutien aux manifestations contre la réforme des retraites.
En somme, non seulement il est interdit d’utiliser les biens du domaine public universitaire pour faire passer des messages politiques, mais même s’ils demandaient l’autorisation, le président de l’université ne pourrait la leur accorder. De toute façon, Jean-Luc Mélenchon n’a pas donné pour instruction de demander l’autorisation d’accrocher des drapeaux partout…
Seule solution restante : les étudiants peuvent porter des drapeaux sur eux (par exemple sous forme de vêtement aux couleurs de ce drapeau), sans entraver la bonne marche de l’enseignement.
Une erreur dans ce contenu ? Vous souhaitez soumettre une information à vérifier ? Faites-le nous savoir en utilisant notre formulaire en ligne. Retrouvez notre politique de correction et de soumission d'informations sur la page Notre méthode.