L’article 16 de la Constitution : les pleins pouvoirs au Président ?

Crédits photo : Lesgles (CC 1.0)
Création : 21 juin 2024

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’Université de Poitiers

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

L’article 16 prévoit d’accorder temporairement des pouvoirs exceptionnels au Président de la République. Il est le seul à vraiment décider du déclenchement et de l’arrêt de ces pouvoirs. Seule contrainte politique, une destitution.

Selon des sources d’Europe 1, Emmanuel Macron envisagerait d’activer l’article 16 de la Constitution, si aucun parti n’obtient de majorité absolue et qu’aucun Gouvernement ne se trouve en mesure d’agir. Ces informations relèvent pour l’instant de la rumeur mais il n’est pas inutile d’en savoir plus sur cet article 16. Pleins pouvoirs pour le Président de la République en cas de menace grave, comment fonctionne ce mécanisme exceptionnel ?

À situation exceptionnelle…

L’article 16 de la Constitution est mis en œuvre par le Président de le République “lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate”, et deuxième condition, “que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu“. Sur la forme, le Président doit consulter officiellement le Premier ministre, les présidents des assemblées (soit le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat) ainsi que le Conseil constitutionnel, et doit en informer la Nation.

…des pouvoirs exceptionnels

Le but de cet article est de permettre au Président de débloquer les institutions et de protéger les pouvoirs publics. Il peut pour cela prendre des mesures qui relèvent en temps normal du Parlement : le Président devient pendant un temps législateur. Il ne peut cependant pas empêcher le Parlement de se réunir ni le dissoudre. Le Président ne peut pas non plus engager de révision de la Constitution. Ses pouvoirs ne doivent servir qu’un seul objectif : celui de permettre aux pouvoirs publics d’accomplir leur mission.

À noter que les actes que le Président prend dans le cadre de l’article 16 et qui concernent des domaines qui relèvent du pouvoir règlementaire (article 37 de la Constitution) sont contrôlés et peuvent être annulés par le juge administratif (décision du Conseil d’État du 23 octobre 1964).

Un pouvoir à durée limitée

Outre les limites exposées plus tôt, le mécanisme de l’article 16 est temporaire. Après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs peuvent saisir le Conseil constitutionnel qui examine si les conditions exigées par la Constitution pour l’application de son article 16 demeurent réunies. Et au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée, le Conseil opère cet examen de plein droit. S’il estime que les conditions ne sont plus réunies, il rend un avis en ce sens. Un avis n’étant pas contraignant, le Président n’est toutefois pas obligé de le suivre.

Il existe un moyen politique de mettre fin à l’exercice des pouvoirs exceptionnels du Président : la destitution. S’il le décide, le Parlement peut se réunir en Haute Cour et renverser le Président “en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat” (article 68 de la Constitution).

L’article 16 n’a été utilisé qu’une seule fois dans l’histoire de la Ve République. C’était par le général de Gaulle, d’avril à septembre 1961, après la tentative de coup d’État de quatre généraux en Algérie française. Emmanuel Macron sera-t-il le prochain Président à déclencher ce mécanisme ?

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