L’Ademe a-t-elle vraiment plus de 4 milliards d’euros de budget, comme l’affirme Gérard Larcher ?
Autrice : Jeanne Boyer, étudiante en journalisme à l’école W
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Ella Couet, étudiante en master de journalisme à Sciences Po Paris
Source : Compte Facebook, le 15 janvier 2025
Ces derniers jours, plusieurs élus républicains s’en sont pris à l’Ademe, une agence publique jugée trop coûteuse et peu utile. Pourtant, la majeure partie de son budget est en réalité de l’argent reversé aux entreprises et aux collectivités territoriales pour financer des projets de transition écologique. L’importance du rôle de l’Ademe a aussi été soulignée par l’Inspection générale des finances.
Dans leur croisade contre le gaspillage de l’argent public, Les Républicains (LR) ont trouvé un nouveau bouc émissaire : l’Agence de la transition écologique, plus connue sous le nom d’Ademe.
C’est Gérard Larcher, le président du Sénat, qui a lancé les festivités, samedi 11 janvier. « Quand vous avez l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) qui a plus de 4 milliards de budget et près de 1 100 équivalents temps plein, la question de l’efficacité de la dépense publique se pose », a-t-il déclaré dans un entretien accordé au Parisien au sujet du budget.
Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez n’ont pas tardé à surenchérir. Deux jours plus tard, au micro de France Inter, la présidente de la région Île-de-France a proposé de tout simplement supprimer l’Ademe, qui ferait selon elle le même travail que la Banque des territoires et les régions, s’alignant sur le Rassemblement national, qui avait déposé un amendement dans ce sens en octobre 2024, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025.
Le président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale en a remis une couche mardi dans l’hémicycle, en citant l’Ademe parmi une liste d’agences qu’il juge d’une « utilité douteuse » mais d’un « coût bien réel ».
Il est vrai que, dans un contexte où le gouvernement Bayrou cherche à économiser plus 30 milliards d’euros, 4,2 milliards alloués à une seule agence, ce n’est pas rien. Mais ce que les ténors de la droite ont omis de souligner, c’est que la majeure partie de cette somme est versée par l’Ademe aux entreprises et aux collectivités territoriales pour soutenir la transition écologique.
La majeure partie du budget de l’Ademe profite aux entreprises et collectivités
Sur le site de l’Ademe, le détail du budget prévisionnel de l’année 2024, qui est effectivement de 4,2 milliards d’euros, est disponible. Et l’on voit que les dépenses propres à l’Ademe sont minimes comparées au budget total. En effet, les dépenses de fonctionnement de l’agence sont de 25 millions d’euros, tandis que celles pour payer ses employés sont de 106 millions d’euros.
La majeure partie de l’argent est consacrée à des investissements.
Parmi les programmes les plus importants figure le dispositif « Chaleur renouvelable », doté de 820 millions d’euros. Celui-ci soutient les entreprises et les collectivités locales dans « le développement de la production de chaleur et de froid à partir de sources renouvelables locales », selon le site officiel du gouvernement.
Une autre composante majeure de ces 4 milliards est le fonds France 2030, dont l’Ademe gère la section dédiée au « soutien à l’innovation et à la décarbonation », pour un budget total de 8,4 milliards d’euros sur cinq ans.
Ce n’est pas tout. N’en déplaise aux Républicains, le budget effectif de l’Ademe pour 2024 serait inférieur au budget prévisionnel, avec une dépense réelle estimée à 3,5 milliards d’euros. C’est ce qu’ont précisé cette semaine, en réponse aux critiques, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, dans un post publié sur LinkedIn, ainsi que le président de l’Ademe, Sylvain Waserman, dans un communiqué de presse, le 14 janvier.
Sur ces 3,5 milliards d’euros, 92 % auraient été alloués à des « aides directes pour des projets concrets dans les territoires », tandis que les 8 % restants auraient couvert « le fonctionnement » de l’agence, a détaillé l’Ademe aux Surligneurs.
Une agence saluée par l’Inspection générale des finances
Si l’Ademe ne fait pas l’unanimité parmi les politiques, l’Inspection générale des finances (IGF) soutient son rôle. « L’Ademe dispose d’une expertise reconnue en matière environnementale (…) Cette situation doit conduire à faire de l’Ademe le maître d’ouvrage privilégié des aides à la transition écologique et énergétique », affirme l’IGF dans son rapport de 2023, confirmant une analyse déjà formulée en 2022.
Selon un rapport de 2024 de l’IGF, non rendu public mais auquel les parlementaires peuvent avoir accès, l’Agence de la transition écologique devrait même poursuivre son développement, indique Sylvain Waserman, dans un entretien accordé au journal Libération.
« Les inspecteurs ont conclu trois choses », explique-t-il. « Premièrement, que l’Ademe est globalement bien gérée. Deuxièmement, qu’il n’y a pas lieu de mettre en place un modèle alternatif comme un découpage ou une fusion avec une autre agence. Et troisièmement, de poursuivre la hausse des effectifs, ce que je n’avais jamais vu dans un rapport de l’IGF. »
L’agence d’État au plus gros budget
Il n’est toutefois pas surprenant que l’Ademe attire l’attention dans un contexte de rigueur budgétaire. Avec un budget prévisionnel qui a doublé en deux ans, passant de 2 milliards d’euros en 2022 à 4,2 milliards d’euros en 2024, elle est aujourd’hui l’agence d’État — parmi plus de mille — dotée du plus gros budget.
Cette année, l’Ademe participera à l’effort budgétaire. « Nous avons déjà programmé un effort budgétaire significatif de 210 millions d’euros, avec une réduction de 38 % sur nos fonds propres », a annoncé son président sur LinkedIn.
Cependant, l’agence pourrait être contrainte à d’autres ajustements. Le mercredi 15 janvier, sur TF1, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a proposé une réduction de 5 % des dépenses allouées à chacune des 1 000 agences publiques. Une mesure qui pourrait satisfaire certains élus de l’opposition.
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