Image d'illustration - Crédit  : Morphologie (CCA 4.0)

Pourquoi utiliser l’eau de mer pour éteindre des incendies n’est pas aussi simple

Création : 20 janvier 2025

Autrice : Lili Pillot, journaliste

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Jeanne Boyer, étudiante en journalisme à l’école W

Source : Compte Facebook, le 11 janvier 2025

Les incendies de Los Angeles de janvier 2025 relancent l’idée d’éteindre les feux de forêt avec l’eau des océans. Cette technique, techniquement possible, n’est pas aussi simple à mettre en place. Les sels peuvent abîmer le matériel des pompiers et dégrader les écosystèmes.

Alors que Los Angeles, deuxième ville des États-Unis, doit faire face à des incendies dévastateurs – 24 morts et 12 300 bâtiments détruits depuis le 7 janvier – la ville se retrouve en difficulté pour trouver assez d’eau afin d’éteindre ces incendies.

Quelques heures après le départ des feux, certaines bouches à incendies étaient déjà à sec, selon la BBC. La gestion des réserves d’eau douce a été très critiquée, tout comme la gestion de la crise par la maire démocrate, Karen Bass, notamment par les républicains. Parmi les aspects critiqués, la question de l’un des réservoirs d’eau douce de la ville : celui de Santa Ynez qui peut contenir 117 millions de gallons d’eau soit près de 443 millions de litres et qui était vide au moment du déclenchement des incendies. Et ce, pour cause de travaux depuis février 2024, a révélé le Los Angeles Times le 10 janvier 2025. 

Pour faire face à cette difficulté d’accès à l’eau douce, pourquoi ne pas utiliser l’eau de l’océan Pacifique, situé juste à côté, se demandent des internautes ? Si a priori, l’idée n’est pas saugrenue, en pratique, cette technique de lutte contre les incendies n’est pas aussi simple à mettre en place.

Le vent et la fumée limitent le vol aérien

La procédure de fonctionnement habituelle de la ville pour lutter contre les incendies est simple : le réseau de bouches à incendies est réapprovisionné via des camions-citernes à partir de trois grands réservoirs de la ville, explique le Washington Post. Les pompiers au sol branchent directement les camions aux bouches pour tenter d’éteindre le feu.

Des canadairs, ces avions amphibies, sont aussi utilisés dans les actuels incendies de Los Angeles. Le Québec a notamment envoyé quatre modèles CL-415 qui ont permis de larguer de grosses quantités d’eau sur les feux, comme l’indique le gouvernement canadien.

C’est via ces avions, assez rares, qu’on peut imaginer utiliser l’eau de l’océan pour combattre les incendies. En effet, pour se ravitailler, ces avions bombardiers d’eau doivent voler en rase-motte au-dessus d’un plan d’eau en ouvrant leurs écopes dans lesquelles ils peuvent stocker une importante quantité d’eau.

Si des engins sont allés puiser dans des réserves d’eau douce, notamment au réservoir d’Encino, comme le décrit cet article du Los Angeles Times, certains se sont bel et bien ravitaillés depuis l’océan Pacifique, comme le montre une vidéo du média américain CBC News.

Les inconvénients de l’eau de mer

Si la possibilité d’utiliser l’eau de mer existe, pourquoi ne pas généraliser la pratique alors que Los Angeles peine à garantir cet approvisionnement en eau douce, s’interrogent plusieurs médias. USA Today News donne un premier élément de réponse en s’appuyant sur les ressources du site Technology.org : le sel contenu dans l’eau de mer entraîne une corrosion dans le matériel des sapeurs-pompiers.

Selon TF1, qui cite un sapeur-pompier, « après une utilisation d’eau de mer, le matériel de lutte contre les incendies doit être rincé pendant 30 à 45 minutes », à l’eau douce. Une eau douce que Los Angeles n’a pas, ou qu’elle réserve justement pour lutter directement contre les incendies.

Autre inconvénient : l’eau salée aurait moins d’effet refroidissant que l’eau douce, selon l’article publié par le site Technology.org, rédigé par deux professeurs en ingénierie et en physique.

Dommages collatéraux sur les écosystèmes

À ces problématiques s’ajoutent des paramètres environnementaux. Une eau forte en salinité, déversée sur des terrains déjà vulnérables, peut avoir des conséquences environnementales non négligeables, comme l’explique le directeur de recherche américain en biochimie Patrick Megonigal dans un article The Conversation. S’il précise que « les conséquences de l’apport d’eau de mer aux écosystèmes ne sont pas encore bien comprises« , le chercheur propose de s’intéresser aux conséquences des effets de l’élévation du niveau de la mer qui peuvent déjà donner une bonne idée de ce qu’une eau salée fait aux sols et aux écosystèmes.

Lorsque l’eau s’évapore, les sels, eux, restent : c’est le processus de salinisation. Or, la trop grande concentration de sels dans un sol engendre un déséquilibre et peut modifier les sols. « Nos expériences en laboratoire suggèrent que le sel provoque la dispersion et le déplacement de l’argile et d’autres particules dans le sol. De tels changements dans la chimie et la structure du sol peuvent persister pendant de nombreuses années« , rapporte Patrick Megonigal.

Cela a également un effet sur les végétaux. « La présence [des] sels affecte négativement certains organismes du sol mais aussi la croissance des végétaux et peut rendre les sols improductifs et contaminer l’eau« , explique l’Agence Française pour l’Étude des Sols.

En clair, l’eau salée peut être utilisée pour lutter contre des incendies, mais cette solution n’est pas sans risque et doit être utilisée en ultime recours. 

 

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