Sa nomination pour la remise de la « Médaille présidentielle de la liberté » par Joe Biden en janvier 2025, juste avant l’investiture de Donald Trump, n’est pas passée inaperçue. Encore une fois, George Soros est la cible de critiques, notamment de la part des Républicains. Parmi eux, Elon Musk l’a même comparé à l’Empereur Palpatine, le grand vilain de Star Wars.

Mais d’autres vont plus loin. L’annonce de la remise de la décoration a relancé une vieille théorie conspirationniste à propos du philanthrope états-unien d’origine hongroise : George Soros, d’origine juive et enfant de parents déportés, aurait collaboré avec les nazis, jusqu’à porter l’uniforme SS.

À l’aide d’un montage photo, composé de deux clichés, des internautes affirment qu’il aurait été un membre de l’organisation paramilitaire du régime nazi dans sa jeunesse. « George Soros a littéralement aidé les nazis à tuer des Juifs, puis, des années plus tard, il en a ri et a dit que cela l’avait rendu euphorique et qu’il n’avait aucun regret. Aujourd’hui, Biden lui remet une médaille de la liberté ? », peut-on lire sur une chaîne de publications relayée sur les réseaux sociaux.

Si de nombreuses théories circulent sur la potentielle implication de George Soros dans le régime nazi, aucune, y compris celle-ci, n’est vérifiée par des faits établis.

George Soros n’a pas été membre de la SS

Il faut le dire d’emblée : la photo de droite, du jeune homme en uniforme de SS, n’est pas celle de George Soros. Il s’agit en réalité d’Oskar Gröning, comme le relève Reuters, et en témoignent plusieurs médias qui publient, eux aussi, la photo de l’homme qu’on appelle le comptable d’Auschwitz (New York Times ; CBS News) et qui fut un sous-officier SS.

Comme le précise l’agence de presse britannique, même s’il n’est pas possible de dater précisément la photo en noir et blanc de droite, il est impossible que ce soit George Soros à cause de son âge. Supposons que la photo ait été prise la dernière année de la Seconde Guerre mondiale, George Soros n’avait alors à l’époque que 14 ou 15 ans, alors que l’âge limite pour s’engager dans l’armée était entre 16 et 17 ans.

Une ancienne rumeur

D’où vient cette rumeur qui attribue une collaboration entre George Soros, lui-même juif et descendant de déportés, et des nazis ?

Difficile d’identifier la première personne à l’avoir affirmé. Mais il est clair qu’elle est, aujourd’hui, régulièrement relayée par une frange des Républicains et de l’extrême droite états-unienne, mais aussi européenne.

En mai 2018, l’actrice et humoriste pro-Trump Roseanne Barr avait publiquement soutenu cette thèse. « George Soros est un nazi qui a livré ses compatriotes juifs pour qu’ils soient assassinés dans les camps de concentration allemands et qui a volé leurs richesses – le saviez-vous ? », interpellait-elle sur Twitter (aujourd’hui X).

L’origine d’une rumeur

Quelques médias, dont l’israélien The Times of Israël et l’états-unien Moment Mag, ont tenté de remonter à l’origine de cette fausse rumeur.

D’après leur point de vue, l’idée que George Soros aurait collaboré avec les nazis est due au fait que, pendant la guerre, alors qu’il était adolescent, il a été hébergé par un haut responsable hongrois, un certain Baumbach. Un arrangement orchestré par le père de George Soros, pour le cacher et le protéger du régime nazi.

La plupart du temps, George Soros, alors âgé de 14 ans, reste dans l’appartement de l’homme, chargé à l’époque de superviser les saisies de biens de familles juives déportées. Il semble qu’à quelques reprises George Soros l’ait accompagné en mission, en étant présenté comme son filleul, sans participer aux travaux d’inventaires. Ce qui a aussi fait l’objet de fausses informations.

Cette version de cette période de la vie du milliardaire est confirmée dans sa biographie écrite par la journaliste états-unienne Rachel Ehrenfeld. « Baumbach […] a été soudoyé par le père de George pour garder l’adolescent dans son appartement et le présenter comme son filleul », écrit l’autrice. Elle rappelle que, lors d’une interview avec le journaliste Steve Kroft en 1998, George a rappelé qu’il n’était alors qu’un « spectateur » de la scène (à partir de la septième minute).

C’est cette même interview, diffusée par l’émission 60 minutes, qui va engrainer les théories conspirationnistes à propos de George Soros. À partir de 8 minutes 30 d’interview, Steve Kroft demande à George Soros comment il a vécu cette période. « C’est le genre d’expérience qui pourrait envoyer les gens chez le psychiatre pour longtemps. Est-ce que c’était [une expérience, ndlr] difficile ? », demande le journaliste. « Pas du tout. Peut-être qu’en tant qu’enfant, on ne voit pas les liens », lui répond George Soros. « Pas de sentiment de culpabilité ? », le relance Steve Kroft. « Non », avait confié le milliardaire, qui soulignait sa posture de simple spectateur passif.

C’est sur cet échange que vont se baser l’essentiel des théories associant George Soros aux nazis.

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