Crédit : HUGUES DE BEAUCHESNE (CC BY-SA 4.0 - Photo modifiée)

Selon Aurore Bergé, on ne peut pas abroger une loi par un référendum

Création : 8 janvier 2025

Auteur : Sacha Sydoryk, maître de conférences en droit public, université de Picardie Jules Verne

Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public, université de Poitiers

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Aurore Bergé dans une interview sur France Inter, le 3 janvier 2025

Il est tout à fait possible d’abroger une loi par la voie du référendum. Par contre, il n’est pas certain que les questions liées aux retraites entrent dans son champ.

C’est une phrase qui a fait tiquer Les Surligneurs. Invitée sur France Inter, le 3 janvier dernier, Aurore Bergé a soutenu qu’ « on ne peut pas abroger une loi par un référendum ».

Pour la nouvelle ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, « il y a ceux qui disent un peu n’importe quoi sur le champ du référendum ». Pour appuyer ses propos, l’ancienne députée cite quelques exemples, dont la prétendue impossibilité d’abroger une loi par référendum. Un clin d’œil appuyé à la gauche qui a cherché à plusieurs reprises à faire abroger la réforme des retraites de 2023 par ce biais-là.

La ministre a raison sur un point : il existe de nombreux incompris sur la question du référendum. Et ses propos en font partie.

Une loi abrogative peut être adoptée par référendum

La Constitution, plus spécifiquement son article 11, encadre le champ du référendum et il n’y est inscrit aucune interdiction de référendum sur une loi visant à en abroger une autre.

À noter d’ailleurs que le référendum ne peut pas être directement abrogatif, il permet l’adoption d’une loi abrogative. En effet, l’article 11 précise que l’objet d’un référendum est un « projet de loi » ou « une proposition de loi ». Ainsi, si le but poursuivi est d’abroger la réforme des retraites de 2023, le référendum peut seulement proposer une loi qui vient l’abroger. L’effet est, en tout cas, bien abrogatif.

Un délai nécessaire pour les référendums d’initiative partagée

Par contre, il existe bien, dans l’article 11 de la Constitution, une impossibilité d’abrogation de certaines dispositions. Mais, cela concerne seulement une procédure particulière du référendum. Depuis 2008 existe la procédure du référendum d’initiative partagée (RIP), qui peut être engagée par un cinquième des membres du Parlement et un dixième des électeurs.

Une telle procédure « ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an », ce qui sous-entend d’ailleurs que, passé ce délai, il est parfaitement possible qu’un référendum vise à abroger une loi antérieure.

Deux choses sont à relever : d’abord il s’agit d’une procédure de référendum spécifique qui n’est pas forcément celle dont parlait Aurore Bergé. En effet, la question du référendum se pose suite à l’allocution d’Emmanuel Macron le 31 décembre dernier qui a affirmé vouloir solliciter les Français pour « trancher certains de ces sujets déterminants » en 2025. Ensuite, quand bien même cette limite temporelle s’appliquerait, la réforme des retraites de 2023 a été promulguée depuis maintenant plus d’un an.

Un champ limité

Il faut noter également que le champ du référendum législatif n’est pas illimité. L’article 11 dispose en effet que le référendum peut porter « sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ».

Concernant la réforme des retraites, la discussion est donc permise. Très intuitivement, elle est bien relative à la « politique économique » ou à la « politique sociale » de la République.

Pourtant, dans une décision de 2023 concernant une proposition de loi visant à interdire un âge légal de départ à la retraite supérieur à 62 ans, le Conseil constitutionnel a considéré que la proposition de RIP visant à inscrire l’âge de départ à la retraite à 62 ans en augmentant certaines cotisations sociales (CSG des revenus du patrimoine) n’entrait pas dans le champ du référendum d’initiative partagée. Pour le Conseil, une telle proposition ne portait pas sur « une réforme relative à la politique sociale ».

Néanmoins, la décision des Sages ne précise pas si c’est parce qu’il s’agit d’une réforme des retraites en tant que telle ou si cela est lié aux modalités spécifiques de la proposition en question, comme l’augmentation du taux d’imposition à la CSG des revenus du patrimoine.

Quant au référendum à l’initiative du pouvoir exécutif, le Conseil constitutionnel s’est déclaré incompétent dès 1962 pour contrôler la constitutionnalité de la loi adoptée par le peuple. Cependant, comme Les Surligneurs ont déjà pu le préciser, cette jurisprudence est ancienne et le Conseil pourrait contrôler le décret de convocation du référendum, dans lequel figure la question posée aux Français.

Contrairement aux dires d’Aurore Bergé, il est donc possible d’abroger une loi par référendum. Mais cette garantie n’est pas certaine concernant le cas de la réforme des retraites de 2023.

 

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