Procès des viols de Mazan : comment fonctionne le droit d’appel ?

Gisèle Pelicot quittant le palais de justice d'Avignon après la plaidoirie finale de la défense, lors du procès des viols de Mazan, le 16 décembre 2024. (Photo : Clément Mahoudeau / AFP)
Création : 6 janvier 2025

Auteur : Paul Morris, élève-greffier au tribunal judiciaire de Paris

Relecteur : Guillaume Baticle, coordinateur legal-checking des Surligneurs – doctorant en droit public, université de Poitiers

Jean-Baptiste Thierry, professeur de droit pénal, université de Lorraine

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Hugo Guguen, juriste

Faire appel d’une décision de justice, c’est demander son réexamen par un nouveau juge, qui confirmera, diminuera ou annulera la peine. L’accusé est alors toujours présumé innocent. L’accusation peut aussi faire appel pour demander l’aggravation de la peine.

Bien que terminé depuis le 19 décembre 2024, le procès Mazan n’a pas fini de faire couler de l’encre. Sur les 51 accusés de ce procès hors norme pour viol, 17 ont fait appel de leur condamnation, suscitant diverses réactions.

Pour Aurore Bergé, la ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, invitée par France Inter le 3 janvier dernier, ces appels sont révélateurs. « Je trouve que le fait que 17 hommes, et c’est leur droit, je ne remets pas en cause le fait qu’on puisse faire appel, mais qu’il y ait finalement ce caractère un peu systématique de dire que, même confronté aux images, aux preuves, au fait que le premier des accusés ait expliqué lui-même la démarche qu’il avait entreprise et bien ça ne suffit pas et on ne reconnaît toujours pas le crime qu’on a commis ».

Le droit pour un accusé de faire appel de son jugement est un droit fondamental qui permet à celui-ci de faire réexaminer son affaire par une autre juridiction. Explications.

Le fonctionnement du droit d’appel

Le droit d’appel dans le cadre d’une condamnation criminelle repose sur le principe du droit au recours, qui garantit un nouvel examen de l’affaire en fait et en droit. Contrairement aux juridictions correctionnelles ou civiles, l’appel en matière criminelle s’organise différemment : les affaires, qui avaient été jugées devant une première cour d’assises, le seront de nouveau devant une autre cour d’assises. Lorsque l’affaire a été jugée par une cour criminelle départementale, c’est également une cour d’assises qui statuera en appel.

Cette juridiction, la cour d’assises, est composée, en appel, de trois magistrats professionnels et de neuf jurés populaires. Elle devra procéder à un nouvel examen intégral du dossier, sans se limiter aux éléments contestés. Cela inclut la réaudition des témoins, l’analyse des preuves et une nouvelle appréciation des faits. Ce n’est que si l’appel est limité à la décision sur la peine qu’il ne sera pas nécessaire de tout réexaminer.

L’appel peut être initié par différentes parties : le condamné, le ministère public ou, dans un cadre limité, la partie civile. Le délai pour interjeter appel est strictement encadré.

Dans le cadre du procès des viols de Mazan, à l’issue du jugement rendu le 19 décembre dernier, les 51 accusés disposaient d’un délai de dix jours pour faire appel de celui-ci. En tout, ce sont 17 accusés qui ont fait appel de leur condamnation. À l’issue de ces déclarations, le parquet disposait d’un délai supplémentaire de cinq jours pour déposer un appel incident ou formuler un appel général.

C’est cette première solution qui a été retenue par le ministère public.

Si le principal effet de l’appel est de remettre en question le jugement de condamnation, il peut également en avoir d’autres. Le délai d’appel étant particulièrement restreint, l’appel peut être fait pour conserver ce droit, quitte à se désister ultérieurement, afin de bénéficier d’un délai supplémentaire pour être conseillé. Ou encore, pour essayer d’obtenir une moindre peine. Pour autant, faire appel n’est pas sans risques !

Conséquences de l’appel

Lorsque l’appel est formé par les seuls accusés, la cour statuant à nouveau sur l’affaire ne peut que confirmer la peine, la diminuer ou relaxer les accusés.

C’est donc non sans surprise que, lorsque des accusés font appel, le ministère public interjette systématiquement un appel incident, afin que la cour rejuge l’action publique et puisse, éventuellement, aggraver la sanction.

En l’occurrence, le ministère public pouvait interjeter appel sur l’intégralité des condamnations (appel général) ou formuler un appel incident, comme l’a annoncé le procureur général de la cour d’appel de Nîmes dans un communiqué « le ministère public a interjeté appel incident des 17 appels intervenus ».

Ainsi, les 17 appelants sont toujours présumés innocents. Quant à ceux qui ont été placés en détention provisoire, ils peuvent saisir la chambre de l’instruction aux fins de mise en liberté. Les 34 autres accusés sont quant à eux condamnés définitivement.

Initialement jugés devant une cour criminelle départementale, ce sera cette fois la cour d’assises du Gard qui aura à se prononcer fin 2025 sur la culpabilité de ces 17 hommes. Ce sera donc à un jury populaire qu’il reviendra de clôturer cette affaire hors norme.

 

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