Fin du droit du sol à Mayotte : quelles conséquences en droit ?

Le Premier ministre François Bayrou, lors de sa visite à Mayotte, après le cyclone Chido, le 30 décembre 2024. (Photo : Julien de Rosa / AFP)
Création : 7 janvier 2025

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public, université de Poitiers

Relecteurs : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, université Paris-Saclay

Tania Racho, docteure en droit européen, chercheuse associée à l’IEDP, université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

En attendant le prochain Conseil des ministres, qui aura lieu le 8 janvier prochain, de nombreuses rumeurs circulent concernant le projet de loi d’urgence pour reconstruire Mayotte. Parmi elles : la suppression du droit du sol. Cette dernière ne serait pas sans effet juridique. Explications.

Pour permettre la reconstruction de Mayotte après le passage du cyclone Chido, le Premier ministre François Bayrou a annoncé un projet de loi d’urgence. Celui-ci sera présenté en Conseil des ministres ce mercredi 8 janvier.

Bien que la teneur de ce projet de loi ne soit pas encore connue, la révision du mode d’acquisition de la nationalité française par le droit du sol sur l’île n’est pas exclue. Quelles en seraient les conséquences juridiques ?

Le droit du sol, comment ça marche ?

Le droit du sol permet d’obtenir la nationalité d’un État par la seule naissance sur le territoire de cet État, même si les parents n’ont pas cette nationalité. Il est à différencier du droit du sang, par lequel l’enfant hérite de la nationalité de ses parents.

En France, c’est le « double droit du sol » qui s’applique. L’article 19-3 du Code civil prévoit qu’« est français l’enfant né en France lorsque l’un de ses parents au moins y est lui-même né ». Deux conditions à remplir donc : naître en France d’au moins un parent né en France.

L’article 21-7 du Code civil précise que « tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si […] il a en France sa résidence et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans, depuis l’âge de 11 ans ». Il est donc possible d’acquérir la nationalité française sous conditions de résidence, si on ne l’a pas obtenue à la naissance.

Le cas de Mayotte est différent depuis une loi de 2018 qui a durci les conditions d’acquisition de la nationalité. Ainsi, un enfant né sur l’île de parents étrangers ne peut obtenir la nationalité française que si, en plus des autres critères, « l’un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois » lors de sa naissance.

En février dernier, Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, s’était engagé à supprimer le droit du sol dans l’archipel. La députée de Mayotte, Estelle Youssouffa, l’avait aussi proposé, mais, pour l’instant, c’est bien ce « droit du sol » renforcé qui s’applique à Mayotte.

Quelles conséquences en cas de suppression ?

Supprimer le droit du sol à Mayotte reviendrait à fortement entraver l’acquisition de la nationalité française d’une personne née sur l’île de parents en situation irrégulière.

La nationalité française ne pourrait alors être accordée que sur décision des pouvoirs publics, à la demande des personnes.

Les conditions d’acquisition de la nationalité étant déjà sévères, il n’est pas certain que la suppression pure et simple du droit du sol freine l’immigration, légale et irrégulière, que connaît l’île aux parfums.

De plus, cette différence de traitement selon le lieu de naissance au sein du territoire français, qui existe déjà, sera aggravéeCe sera donc au Conseil constitutionnel de trancher sur la question de savoir si la pression migratoire sur un lieu donné du territoire français peut justifier cette différence de traitement et si elle reste proportionnée.

 

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