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Est-il vraiment possible de guérir un cancer en seulement deux semaines ?

Création : 18 décembre 2024

Auteur : Hugo Guguen, juriste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand et Clara Robert-Motta, journalistes

Source : Vidéo Youtube

L’affirmation populaire sur les réseaux sociaux qu’il est possible de soigner un cancer en moins de deux semaines provient d’un docteur avec des faux diplômes et accusé d’imposture dès 1990. Son traitement « miracle » est considéré au mieux comme inefficace et au pire comme dangereux.

Réjouissez-vous ! Le cancer est un problème du passé et il peut désormais être traité en un temps record ! C’est du moins ce qu’avance un certain Docteur Leonard Coldwell, dans une vidéo intitulée « chaque cancer peut être soigné en quelques semaines ».

Chimiothérapie ? Immunothérapie ? Rien de tout ça ! Le traitement miracle prescrit par Leonard Coldwell a de quoi surprendre. Selon lui, il est possible d’éliminer les cellules cancéreuses en un temps record à travers : une alcalinisation du sang, la consommation de légumes verts riche en chlorophylle, la réintroduction de sang « oxygéné » et l’injection de haute dose de vitamine C en intraveineuse.

« Si la nature produit un problème, la nature produit une solution. Si la solution n’existait pas une centaine d’années auparavant, nous n’en avons pas besoin aujourd’hui », conclut-il dans une vidéo dans laquelle il est interviewé.

De tels propos ont de quoi faire hausser les sourcils, mais avant de s’intéresser à la véracité de ces derniers, il est nécessaire de se pencher sur l’identité de la personne qui tient de telles affirmations.

Le Docteur imaginaire

Docteur Leonard Coldwell, de son vrai nom Bernd Klein, ou encore « Dr. C » (pour les intimes) est une figure controversée dans le milieu de la médecine. La page Wikipédia qui lui est dédiée donne le ton : « Homme d’affaires ésotérique germano-américain, auteur, escroc, théoricien du complot et guérisseur présumé », peut-on y lire.

Autoproclamé « le plus grand guérisseur du cancer de notre époque », il annonce un taux de réussite de 92,3  % sur plus de 35  000 patients traités. Leonard Coldwell affirme en effet avoir un don extraordinaire qui se serait manifesté la première fois à l’âge de 12 ans lorsqu’il a guéri sa mère, qui souffrait d’un cancer. Il n’existe cependant aucune preuve sérieuse de cette affirmation.

La presse allemande a d’ailleurs bien documenté le profil de ce personnage sulfureux. À la fin des années 1990, il a été qualifié d’imposteur dans une émission de télévision pour avoir prétendu travailler dans de grandes entreprises, ce que ces dernières démentent, rapporte le journal Welt.

Leonard Coldwell n’est en effet pas en mesure de fournir une preuve sérieuse de ses qualifications. « Il n’est pas médecin et n’est pas qualifié en médecine et apparaît sous divers faux titres de doctorat », peut-on aussi lire dans le journal Hessische Allgemeine. À titre d’illustration, il aurait obtenu plusieurs doctorats d’universités, comme Columbia State, une usine à diplômes universitaires qui vend ces derniers contre de l’argent.

Alcalose et légumes verts

Dans une interview, largement reprise sur les réseaux sociaux, le prétendu docteur, qui s’autoproclame par ailleurs « le guérisseur le plus bloqué des réseaux sociaux », affirme que pour traiter un cancer, il faut se concentrer sur le retrait des toxines présentes dans le corps. « La seconde où l’on se débarrasse de l’acidose [une diminution anormale du pH sanguin, ndlr] et de la toxémie [toxines dans le sang, ndlr] et à partir du moment où le sang devient alcalin [son pH est supérieur ou égale à 7,45, ndlr] et riche en oxygène :  le cancer s’arrête », affirme-t-il.

Pour ce faire, Dr. C argumente que le corps doit être le plus alcalin (le contraire d’acide) possible. En modifiant le potentiel hydrogène (pH) du sang pour qu’il atteigne un seuil de 7,5, le corps se met en alcalose et entrerait dans une « phase de guérison », explique-t-il. Afin d’obtenir cette dernière, il recommande de consommer des légumes verts, riches en chlorophylle, sous forme de jus.

Une solution qui n’impressionne pas Mélanie Bruchard, docteure en immunologie, spécialisée dans le cancer. « Un sang riche en oxygène avec un pH basique n’arrêtera pas la croissance tumorale », rétorque-t-elle aux Surligneurs. « Pour se développer, une tumeur a besoin d’oxygène et de nutriments. Un sang très riche en oxygène favorise la croissance de la tumeur étant donné qu’elle a besoin d’oxygène. Le pH lui est régulé par de nombreux mécanismes et il est très difficile de rendre le sang alcalin », clarifie-t-elle.

Des conclusions que l’on retrouve également sur le site de la Société canadienne du cancer : « Quand une tumeur grossit, elle a besoin de plus de sang pour fournir davantage d’oxygène et d’autres éléments nutritifs aux cellules cancéreuses », écrit l’organisme.

D’autant qu’imaginer guérir du cancer uniquement à l’aide d’un sang alcalin est dangereux. Tout pH ne correspondant pas à la « norme humaine » (entre 7,35 et 7,4) peut causer des dégâts. « Cela peut détruire les cellules rouges ainsi que les cellules blanches, qui elles sont des cellules immunitaires qui aident à lutter contre le cancer », explique Mélanie Bruchard aux Surligneurs.

« C’est la même problématique qu’avec la chimiothérapie, il est extrêmement difficile de cibler seulement les cellules cancéreuses, on vise toutes les cellules qui se multiplient rapidement », conclut la docteure immunologue.

Faire sang neuf

Autre solution proposée par Leonard Coldwell dans son interview : prélever et réinjecter, une douzaine de fois, le sang du patient pour « l’enrichir en oxygène ionisé ». À l’en croire, ce processus permettrait d’avoir un « sang neuf » d’une « couleur rose similaire à celui d’un nouveau-né« . Une sensation revigorante qu’il qualifie de « dopage légal ».

Des propos qui font bondir Mélanie Bruchard : « le sang d’un nouveau-né est le même que le nôtre. La capacité du sang à transporter de l’oxygène tient de sa richesse en globules rouges. L’oxygénation du sang se fait dans les poumons et est donc restreinte par le nombre de globules rouges. On ne peut pas aller au-delà de ce seuil naturel de globules rouges dans le sang ».

Pire encore, selon la spécialiste, l’ajout artificiel d’air dans le sang peut être extrêmement dangereux. « Si ces micros bulles d’air se regroupent en une plus grosse dans le sang, les conséquences peuvent être catastrophiques, on risque une embolie gazeuse qui peut être mortelle », met en garde la docteure immunologue.

Une embolie gazeuse, c’est une « migration dans les vaisseaux de bulles de gaz qui obstruent les capillaires. Les bulles pouvant venir d’une injection d’air dans une veine […] les principales manifestations cliniques sont nerveuses et circulatoires (douleurs angineuses, voire arrêt cardiaque) », détaille le dictionnaire de l’Académie de Médecine.

Intraveineuse de Vitamine C

Dernière pièce du puzzle de Leonard Coldwell pour lutter contre le cancer : l’injection intraveineuse de Vitamine C à haute dose (100 ml par jours), et ce à hauteur de trois fois par semaine. Un traitement très efficace, selon « l’expérience personnelle » du docteur qui avance que « le cancer disparait en quelques jours après le début du traitement ».

Il existe, depuis les années 70, une controverse scientifique concernant l’impact de la vitamine C (de son nom scientifique : acide ascorbique) sur les cellules cancéreuses.  C’est Linus Pauling, prix Nobel de chimie et de la Paix (pour une théorie de la liaison entre atomes en 1931), qui a popularisé l’idée qu’un traitement du cancer par vitamine C serait prometteur. Cependant, ses travaux ont été critiqués en raison de méthodologies douteuses et, si quelques études ultérieures se sont emparées du sujet, aucune n’est concluante, comme l’explique ScienceBasedMedicine.

Car bémol et pas des moindres, ces études ont été réalisées sur des animaux de laboratoire et non des humains. « Il faut faire attention, car les modèles d’études sont des souris, elles sont capables de synthétiser [fabriquer, ndlr] de la vitamine C, et l’être humain non. Les résultats sont donc difficilement transposables », précise Mélanie Bruchard.

« Sur toutes les études cliniques que j’ai pu voir, la vitamine C, n’a pas prouvé son efficacité, mais plutôt son inefficacité quand elle est utilisée seule. Dans la littérature actuelle, les données ne sont pas encourageantes pour devenir un vrai traitement donné au patient », détaille la spécialiste aux Surligneurs.

Dans certains cas, un tel traitement pourrait même se révéler dangereux en réduisant l’effet des anticancéreux. Là encore, la recherche internationale a largement documenté ce phénomène : « La supplémentation en vitamine C pendant le traitement du cancer peut affecter négativement la réponse thérapeutique », indique le journal de l’American Association for Cancer research.

Une piste qui explique sans doute pourquoi cette pratique d’injection intraveineuse de vitamine C à haute dose n’est pas autorisée par la Food and Drug Administration américaine comme traitement contre le cancer.

Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse de légumes verts ou de vitamine C la docteure immunologue est formelle : « une bonne alimentation ne sera pas suffisante contre un cancer. Cela peut prévenir l’apparition des cellules cancéreuses, mais pas les guérir, il est impératif de suivre un traitement approprié ». Un constat partagé par la Fondation contre le Cancer qui précise que « l’alimentation n’a pas d’influence directe sur vos chances de survie ».

« Le domaine du chamanisme »

Leonard Coldwell déclare que « selon son expérience personnelle », certains cancers peuvent être traités en deux semaines, voire en quelques minutes dans certains cas si les docteurs ont plus de vingt-cinq ans d’expérience. Un tel niveau d’expérience permet selon lui une « guérison spontanée ».

Pour Mélanie Bruchard, il est effectivement possible de guérir un cancer en deux semaines, à la condition que ce dernier soit « très localisé, très simple et détecté rapidement ».

En effet, il suffirait de retirer les cellules cancéreuses par chirurgie. « Sauf que dans 95 % des cas, on les découvre beaucoup plus tard, une fois que le cancer se métastase, et là, c’est tout bonnement impossible à soigner en deux semaines », nuance-t-elle immédiatement. Mais en tout cas, pas avec le traitement préconisé par Leonard Coldwell.

Interrogée quant à la possibilité de soigner un cancer « spontanément », Mélanie Bruchard ironise : « on est dans le domaine du chamanisme. Si seulement ! C’est assez insultant pour tous les gens qui travaillent dans le domaine ».

« On trouve régulièrement ce genre de traitement miracle sur internet. Je comprends que les gens aient envie de croire en des solutions aussi simple, mais le cancer est une maladie extrêmement complexe, avec des traitements différents pour chacun », conclut Mélanie Bruchard.

 

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