L’enquête sur Notre-Dame est-elle classée secret défense ?
Dernière modification : 13 décembre 2024
Autrice : Jeanne Boyer, étudiante en journalisme à l’école W
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Hugo Guguen, juriste
Source : CNews, le 7 décembre 2024
Samedi 7 décembre, jour de la réouverture de Notre-Dame de Paris, un journaliste a affirmé sur CNews que l’enquête sur l’incendie de la cathédrale avait mené à un non-lieu, et qu’elle était classée secret défense. C’est faux : l’instruction judiciaire est toujours en cours.
« L’enquête concernant l’incendie de #NotreDameDeParis a-t-elle été étouffée ? » Sur X, des internautes s’interrogent après un échange entre deux journalistes de CNews, ce samedi 7 décembre, jour de la réouverture officielle de la cathédrale, plus de cinq ans après l’incendie du 15 avril 2019.
« On n’a jamais eu la conclusion de l’enquête concernant l’incendie de Notre-Dame. Cette enquête n’a officiellement jamais été conclue, je parle sous votre autorité Michel, on ne sait pas, en réalité, ce qu’il s’est passé », annonce le journaliste Éric Revel.
Michel Chevalet, journaliste scientifique, lui répond alors : « le dossier a été refermé très rapidement, pour dire un non-lieu. C’était le laboratoire de la préfecture de police de Paris qui a été dessaisi et maintenant, c’est classé secret défense ».
Cette séquence entre les deux journalistes est devenue virale et a suscité de nombreuses réactions parmi les internautes.
Elle a notamment été relayée par une figure des Gilets jaunes, aux 500 000 abonnés sur Facebook, qui estime que ce classement « secret défense » corrobore son hypothèse d’une origine volontaire de l’incendie.
Sauf que les journalistes de CNews ont véhiculé une fausse information. Les Surligneurs font le point pour vous sur l’enquête concernant l’incendie de Notre-Dame.
Une instruction judiciaire toujours en cours
Contacté par les Surligneurs, le parquet de Paris estime que les propos des journalistes de CNews sont « tout à fait inexacts ».
L’instruction judiciaire, ouverte le 26 juin 2019 contre X pour « dégradations involontaires par incendie, par violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, dans des conditions de nature à exposer les personnes à un dommage corporel » est toujours en cours. Le parquet précise également « qu’à ce stade personne n’a été mis en examen ».
Mais alors, où en est l’instruction ? D’après le parquet, « toutes les expertises sur les scellés » sont terminées, mais « l’exploitation de ces expertises prendra encore plusieurs mois ».
« Une modélisation en 3D de la flamme telle qu’elle a été filmée et photographiée, afin de déterminer au mieux l’origine de l’incendie » est toujours en cours. « Cette modélisation permettra d’être confrontée aux différentes hypothèses qui ont été émises sur les natures possibles du départ de feu. »
Une piste accidentelle privilégiée
S’il reste différentes hypothèses sur le départ du feu, la piste criminelle, elle, n’est pas privilégiée. Le 26 juin 2019, au terme de l’enquête préliminaire, qui a précédé l’instruction judiciaire, Rémy Heitz, alors procureur de la République de Paris, avait annoncé dans un communiqué : « Aucun élément ne permet d’accréditer l’hypothèse d’une origine criminelle. […] Plusieurs hypothèses ont retenu l’attention des enquêteurs, parmi lesquelles celle d’un dysfonctionnement du système électrique ou celle d’un départ de feu occasionné par une cigarette mal éteinte, sans qu’il soit possible d’en privilégier une à ce stade. »
Le fait que la piste accidentelle soit privilégiée par les enquêteurs a été confirmé par la procureure, Laure Beccuau, qui a succédé à Rémy Heitz dans un entretien accordé à Ouest-France en avril 2024, à l’occasion des cinq ans de l’incendie : « Plus les résultats d’analyses arrivent dans ce dossier, plus la piste accidentelle est privilégiée ».
Mais alors pourquoi Michel Chevalet a-t-il parlé de secret défense ? Contacté par les Surligneurs, Michel Chevalet nous explique qu’il faisait en réalité référence à un rapport remis par Paolo Vannucci, professeur de mathématiques à l’université de Versailles, sur les risques d’explosions et d’incendie au sein de la cathédrale, en 2016. Ce rapport avait été effectivement classé secret-défense mais il est antérieur à l’incendie de 2019. Le journaliste reconnaît une formulation maladroite, qu’il attribue « aux contraintes du direct« .
Mis à jour le 13/12/2024 : ajout de la citation de Michel Chevalet
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