Crédit : Anete Lusina

Le « rapport Marco Polo » révèle-t-il vraiment 459 infractions commises par le fils de Joe Biden ?

Création : 12 décembre 2024
Dernière modification : 13 décembre 2024

Auteur : Hugo Guguen, juriste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte Facebook, le 2 décembre 2024

Contrairement à ce qu’affirment des internautes, le « rapport Marco Polo », qui s’appuierait sur des informations ayant fuité de l’ordinateur d’Hunter Biden, ne certifie pas que ce dernier aurait commis 459 infractions différentes. De nombreuses accusations contenues dans ce dossier sont fausses ou exagérées.

Hunter Biden aurait-il été « sauvé par le gong » ? Sans le pardon présidentiel accordé par son père, le président des États-Unis, Joe Biden, les internautes sont persuadés qu’Hunter Biden aurait été rattrapé par d’innombrables activités criminelles.

Ils en veulent pour preuve un « rapport de 630 pages sur Hunter Biden documentant 191 crimes sexuels, 128 crimes liés à la drogue et 140 crimes commerciaux », prétend un internaute. Néanmoins, ce rapport qui agite les internautes comprend en réalité de nombreuses accusations qui sont soit exagérées, soit fausses.

Véritable serpent de mer de la vie politique des Biden, l’affaire dite « du MacBook abandonné » plane à nouveau sur Hunter Biden malgré le pardon présidentiel qu’il vient de recevoir. D’une histoire aux origines abracadabrantes, mais invérifiables, au rapport « incriminant » d’une opaque organisation politique, les Surligneurs vous expliquent une controverse qui refuse de rester dans l’ombre.

Un supporter de Donald Trump derrière la Genèse du leak

Tout aurait commencé en 2020, à l’aube des élections présidentielles états-uniennes.

Un réparateur d’ordinateur du Delaware (l’État fief des Biden) qui se trouve être un supporter de Donald Trump aurait reçu un MacBook ayant pris l’eau de la part de Hunter Biden.

En restaurant ce dernier, le réparateur aurait découvert des e-mails échangés entre Hunter Biden et des officiels ukrainiens, ainsi que des photos et une vidéo sur laquelle le fils du candidat démocrate fume du crack en ayant une relation sexuelle avec une femme, selon le New York Post.

En accord avec le droit de l’État du Delaware, comme Hunter Biden ne serait pas venu récupérer son ordinateur au bout de quatre-vingt-dix jours, l’ordinateur est alors devenu la propriété du réparateur qui peut désormais légalement partager son contenu avec le reste du monde.

Le réparateur contacte dans un premier temps le FBI, mais transmet ensuite les documents à l’avocat de Rudy Giuliani, « homme des basses œuvres de Donald Trump », comme avait pu le qualifier Le Point. Le contenu de l’ordinateur atterri alors au New York Post, tabloïd conservateur états-unien détenu par le magnat des médias Rupert Murdoch, un soutien régulier de Donald Trump.

En revanche, les informations contenues dans le rapport et dans le leak n’ont pas été reprises par les grands médias états-uniens qui mettent en doute la véracité de ces dernières.

En effet, le parcours de ces fichiers dont la traçabilité reste encore impossible à établir et la difficulté à prouver l’authenticité de leur contenu sont suffisants pour semer le doute, précise Libération. D’ailleurs, Twitter (aujourd’hui X) et Facebook ont également bloqué tout partage de l’article du New York Post en 2020 sur leur plateforme, réduisant la visibilité du scandale.

Les Surligneurs ont bien tenté de joindre cinq spécialistes français de la politique américaine. Tous nous ont affirmé n’avoir jamais entendu parler de cette affaire.

Quoi qu’il en soit, ce prétendu leak, révélé dans la dernière ligne droite de l’élection présidentielle, n’empêchera pas pour autant Joe Biden de devenir le 46ᵉ Président des États-Unis et le scandale sera quelque peu oublié.

644 pages mêlant fiction et exagération

La controverse revient cependant au galop en octobre 2022, à l’aube des élections de mi-mandat, les « midterms », à la suite de la publication d’un rapport de 644 pages sur les prétendues preuves matérielles retrouvées dans l’ordinateur portable de Hunter Biden.

Ce rapport provient de l’organisation Marco Polo et de son créateur, Garrett Ziegler, un ancien assistant de Donald Trump à la Maison-Blanche, qui s’autoproclame comme un « Hunter Biden specialist ». Afin de partager les 10 000 photos présentes sur l’ordinateur du fils Biden, le « spécialiste » a également créé un site web.

Garrett Ziegler annonce avoir découvert au moins 459 infractions criminelles, une revendication jugée non vérifiée selon le Washington Post. Bien loin des preuves matérielles de pédophilie, conflits d’intérêts, drogues, prostitution, programme de recherche sur les armes biologiques en Ukraine, le pavé de plus de 600 pages n’a rien « d’exclusif ».

Les Surligneurs, après avoir mis la main sur ce rapport, confirment qu’il ne s’agit en vérité que d’un simple commentaire très détaillé du leak. Ce dernier regorge d’annotations graveleuses et d’images salaces, parfois grossièrement éditées pour y ajouter des portraits des parents Biden dans un coin.

Mis à part le côté sensationnel et paparazzi-esque, les implications légales, si elles ne sont exagérées, sont souvent fictives. En effet, hormis les accusations de fraude fiscale et de détention illégale d’armes à feu pour lesquelles Hunter Biden avait été reconnu coupable avant son pardon présidentiel, toute une partie des accusations, comme celle de trafic sexuel ou de pédopornographie, n’est pas étayée.

À titre d’illustration, le chapitre sur le « trafic d’êtres humains » se limite à une liste de photos, messages, recherches internet, transactions financières avec des travailleuses du sexe. Idem, pour le chapitre « pornographie non-consensuelle » (la diffusion non consentie de contenu à caractère pornographique en droit français), le rapport ne fait qu’énumérer des comptes pornographiques privés de Hunter Biden et les recherches effectuées par ce dernier sur ces sites pour adulte. Le rapport n’apportant aucune preuve de ces deux infractions pour justifier ces accusations.

La majeure partie des éléments brandis sont en partie focalisés sur des aspects plus moraux que légaux, notamment le passé d’addict au crack de Hunter Biden, les images pornographiques détenues sur son ordinateur ou encore sa liaison avec la veuve de son frère. Des faits de notoriété publique, assumés par l’intéressé et par son père.

Une absence d’une « chaîne de traçabilité propre »

En septembre 2024, Hunter Biden a par ailleurs remporté 18 000 dollars en frais juridiques dans son procès contre Garrett Ziegler, pour avoir publié en ligne le contenu de son ordinateur portable.

Afin de déterminer l’authenticité du contenu de l’ordinateur, deux experts en sécurité informatique ont procédé, à la requête du Washington Post, à une analyse dont le résultat était non concluant. Les experts ont en effet constaté que de nombreuses personnes avaient eu accès aux données et les avaient copiées à plusieurs reprises, et ce, même après que le portable soit récupéré par le FBI.

Ce soupçon de manipulation et l’absence d’une « chaîne de traçabilité propre » empêchent ainsi de déterminer précisément l’authenticité du contenu de l’ordinateur. « D’un point de vue médico-légal, c’est un désastre », peut-on lire dans l’article de nos confrères outre-Atlantique.

 

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