Crédit : Giovanna Cornelio

Non, il n’y aura pas de cours d’éducation sexuelle en maternelle

Création : 5 décembre 2024

Autrice : Jeanne Boyer, étudiante en journalisme à l’école W

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte Facebook, le 26 novembre 2024

À l’occasion de la prochaine publication du programme d’éducation à la sexualité, la rumeur selon laquelle l’éducation sexuelle va être enseignée dès la maternelle est de retour. Sauf qu’encore une fois, c’est faux.

Pas encore dévoilée au grand public, la nouvelle mouture du projet de programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars), présenté ce jeudi 5 décembre au Conseil supérieur de l’éducation, suscite déjà de vives tensions, au sein de la classe politique comme dans le débat citoyen.

Sur les réseaux sociaux, on trouve tout un tas de commentaires sur ce fameux programme Evars. « Apprendre aux enfants les noms scientifiques de l’appareil génital masculin et féminin, le nom des pauses sexuelles digne du kamasutra soumis à des enfants dès l’école maternelle… »,  s’indigne un internaute sur Facebook.

« Ils gonflent avec le terme réactionnaire, c’est réactionnaire de ne pas vouloir qu’un enfant de 5 ans sache tailler une pipe ? allez vous faire soigner le ciboulot… », se défend un autre.

À en croire les prises de position sur ce programme, les maîtres et maîtresses devraient désormais donner des « cours de sexualité » et ce, dès la classe de maternelle. Sauf que, comme Les Surligneurs l’avaient déjà montré lors de la publication d’une version provisoire d’Evars, le programme Evars ne prévoit pas d’éducation à la sexualité en maternelle.

Une obligation légale

Pour bien comprendre, il faut revenir à l’origine. Ce programme a été initié par l’ancien ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye en juin 2023. À l’époque, un rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) indiquait que « moins de 15 % des élèves bénéficient de trois séances d’EAS [éducation à la sexualité, ndlr] pendant l’année scolaire ».

Le programme Evars devait donc répondre à ce manquement. Car l’éducation à la sexualité est une obligation légale. Ainsi, l’article L121-1 du Code de l’éducation, en vigueur depuis 2001, dispose que « les écoles, les collèges et les lycées assurent […] une éducation à la sexualité », par le biais « d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène », détaille l’article L312-16.

Une éducation à la sexualité, oui. Mais, de la même façon que les programmes scolaires sont nivelés pour correspondre aux niveaux, les cours d’éducation à la sexualité ne sont pas présentés de la même façon selon les âges. En effet, dans toutes les versions provisoires du programme Evars, on retrouve plusieurs phases.

Un programme en deux phases

Si la dernière version n’est pas encore officiellement publique, Mediapart l’a dévoilée le 28 novembre. Comme dans les versions précédentes, celle-ci décrit un programme structuré en deux phases distinctes. La première, destinée à l’école maternelle et élémentaire, se concentre exclusivement sur l’éducation à la vie affective et relationnelle, sans aucune référence à l’éducation sexuelle.

C’est uniquement dans la seconde phase, qui concerne le collège et le lycée, que l’éducation à la vie affective et relationnelle est complétée par l’éducation à la sexualité. Et dans ce second volet, l’éducation à la sexualité n’intervient qu’à partir de la classe de quatrième.

Cette organisation a été confirmée par la ministre de l’Éducation nationale, désormais démissionnaire, Anne Genetet, dans un entretien à Ouest-France, ce dimanche 1er décembre : « à l’école primaire, il y aura une éducation à la vie affective et relationnelle. La sexualité ne sera abordée qu’au collège, en 4ème, jusqu’à la fin du lycée ».

Et peu importe la classe, il est nullement question d’apprendre aux élèves les positions du Kamasutra ou à tailler une pipe pour reprendre les propos des internautes…

Une désinformation issue d’associations conservatrices

Cette idée de cours d’éducation sexuelle en maternelle et en primaire est répandue par des associations proches de la droite conservatrice et de l’extrême droite.

Ainsi, la pétition, lancée par le Syndicat de la famille le 27 novembre dernier (anciennement La Manif pour tous) contre le nouveau programme, assure que « la ministre de l’Éducation nationale s’apprête à valider un projet de programme d’éducation sexuelle à l’école qui consiste notamment en un lavage de cerveaux idéologique et ce, dès l’âge de 3 ans ». Elle a récolté à ce jour un peu plus de 30 000 signatures.

Autre exemple : la pétition lancée par SOS Éducation en mars 2024, qui a récolté plus de 80 000 signatures, « exige l’interdiction de l’éducation à la sexualité dispensée à des enfants de moins de 12 ans ».

Sophie Audugé, directrice de SOS Education, autrice du livre L’éducation sexuelle à l’école : les nouvelles orientations de l’Éducation nationale en question, a affirmé dans différents médias, comme CNews ou Le Figaro, que des cours d’éducation sexuelle avaient déjà lieu en maternelle et en primaire.

Ses sources : des témoignages de certains élèves et parents d’élèves, dont la véracité a été remise en cause.

En effet, une de ses sources principales provient de propos d’élèves rapportés par l’association Parents Vigilants, proche du parti Reconquête, sur un cours en classe de CM2 à Saint-Étienne. Des phrases, telles que « pour le plaisir les filles peuvent caresser les testicules des garçons » ou « on peut faire du sexe dans les fesses », que l’infirmière réfute avoir prononcé d’après un reportage de « Complément d’enquête » diffusé le 21 novembre 2024. Dans ce dernier, une autre professeure qui assistait aussi à ce cours a démenti avoir entendu ces propos.

Selon Sophie Audugé, ces dérives sont permises par une loi imprécise qui ne donne pas d’âge minimal aux cours d’éducation à la sexualité. Sauf que la circulaire de 2018, qui est la dernière consigne publiée sur le sujet précise bien que les cours ont lieu à partir de l’élémentaire, et qu’il ne s’agit à cet âge « pas d’une éducation explicite à la sexualité » mais d’apprendre « l’étude et le respect du corps » ou encore « la notion d’intimité et de respect de la vie privée ».

En tout état de cause, qu’il s’agisse de dérives avérées ou non, il est important de rappeler que l’Éducation nationale n’impose pas d’éducation sexuelle en maternelle ou en primaire. Par ailleurs, quelques cas isolés, s’ils sont avérés, ne permettent pas de conclure à une généralisation de telles pratiques.

Les rumeurs sur l’enseignement des positions du Kamasutra ou de la fellation en maternelle proviennent d’une autre information déformée. L’association Syndicat de la famille a fait analyser par huissier le site Onsexprime de Santé publique France, destiné aux 12-18 ans, qui évoque des sujets comme les préliminaires ou les positions sexuelles. Des extraits du rapport, au titre ambigu « Les contenus d’éducation sexuelle à l’Éducation nationale » ont ensuite été partagés sans préciser l’âge cible, ou comme étant au sein du programme Evars.

Et dans le programme Evars, toujours pas de doute : les cours d’éducation à la sexualité ne seront donnés ni en maternelle ni en primaire.

 

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