Objection votre Europe ! L’émission qui renvoie les idées reçues d’où elles viennent, en partenariat avec Amicus Radio.
Quelle est l’idée reçue ?
La France aurait perdu sa souveraineté. On n’est pas loin du discours selon lequel l’Europe est dirigée par des technocrates non élus, thème déjà traités dans le premier épisode.
Conséquence : nous ne serions plus en démocratie puisque le peuple n’aurait plus son mot à dire.
D’où vient cette légende européenne ?
Elle n’est pas limitée à l’extrême droite ou gauche radicale, mais elle vient aussi des partis de gouvernement.
Même Emmanuel Macron, lorsqu’il dit qu’il faut rétablir une souveraineté nationale à la suite de la crise sanitaire, alimente l’idée selon laquelle l’Europe a rogné cette souveraineté. C’est en tout cas ce qui ressort du traitement médiatique qui est fait de son discours, car en réalité, Emmanuel Macron dit qu’il faut restaurer souveraineté de la France mais aussi celle de l’Europe.
Il y a donc une inclinaison systématique, lorsqu’on parle de souveraineté, à l’envisager comme rognée par l’Europe.
Comment s’est-elle répandue ?
La question de la souveraineté nationale, c’est essentiellement le combat des gaullistes modernes comme Henri Fourquereau : pour lui, la signature du traité de Maastricht, le 7 février 1992, est “le jour où la France a perdu sa souveraineté”. On peut aussi penser à Jacques Chirac et à son appel de Cochin en 1978, qui “le parti de l’étranger.”
C’est particulièrement sur les questions économiques que cette idée va se fixer. Depuis création de l’euro, et surtout la mise en place d’une discipline budgétaire pour les États, l’Europe serait un “fossoyeur de la souveraineté nationale”, selon les termes en 2012 d’un article du magazine Marianne, plutôt à gauche.
Vrai ou faux ?
C’est compliqué. Parce que tout dépend de la définition que l’on donne à la souveraineté. Et aussi parce qu’il y a plusieurs aspect de la souveraineté : celle de l’État, qui lui permet de conduire ses affaires internationales. Celle de la nation, ou bien du peuple, qui lui permet de décider de son propre avenir.
Mais ce qui est certain, c’est que le reproche fait à la construction européenne qui rognerait la souveraineté nationale, fait appel aux deux aspects de la souveraineté : extérieure : la France vis à vis des autres États dans le monde. Et intérieure : le pouvoir du peuple ou de la nation.
La souveraineté est une construction politique, dont la définition varie en fonction des objectifs politiques qu’on lui assigne.
Le débat est donc difficile. Essayons de déconstruire intégralement ce raisonnement, car il est tellement ancré dans nos idées qu’on ne peut tenter de le contrer que par un raisonnement inverse radical. Au final, la vérité se trouvera peut-être un peu au milieu. Essayons donc de dire que la construction n’a en rien attenté à la souveraineté nationale.
Production : Vincent Couronne, docteur en droit public, chercheur associé au laboratoire VIP (Paris Saclay)
Chronique : Tania Racho, docteure en droit public, enseignante-chercheuse à l’université de Picardie
Réalisation : Lucien Oriol.
Coordination et lectures : Camille Blumberg.
Cette émission est préparée avec l’aide de Pierre de Charrette, Victor Simon, Pierre Tréléa et Ebbane Vallaeys, étudiants à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye et à l’université Paris Saclay (UVSQ).
Musique originale : Didier Riey (d’après le morceau “I am Europe” de Chili Gonzales (Boys noise records))
Cette émission a été coproduite par Les Surligneurs et Amicus Radio, programme original de chroniques, magazines, reportages, entretiens et documentaires, à écouter en ligne ou à télécharger. Porté par le talent et la curiosité d’une équipe d’animateurs d’horizons divers – magistrats, professeurs, journalistes, avocats – il s’applique à rendre le droit audible et accessible, par delà ses frontières disciplinaires, culturelles ou géographiques.
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