Crédit : Pascal Subtil (CC 2.0) (Image d'illustration)

Pavel Durov : les Émirats arabes unis n’ont pas suspendu un contrat d’achat de 80 avions de combat avec la France

Création : 17 septembre 2024

Autrice : Alexandra Maubec, étudiante en LLCER à la Sorbonne Nouvelle

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte Facebook, le 29 août 2024

Selon une rumeur très répandue sur Internet, les Émirats arabes unis auraient suspendu un contrat d’achat de 80 Rafale, suite à l’arrestation de Pavel Durov. Ce contrat n’est, en réalité, pas remis en cause.

Les Émirats arabes unis auraient gelé un contrat d’achat d’armement avec la France en guise de représailles suite à l’arrestation de Pavel Durov. C’est du moins ce qu’affirment de nombreux internautes, avec des publications repartagées parfois près de 15 000 fois sur X, à la date du 17 septembre 2024.

Le samedi 24 août, Pavel Durov est arrêté à son arrivée sur le territoire français à l’aéroport du Bourget. Le PDG de Telegram, naturalisé français ainsi qu’émirati en 2021, réside à Dubaï depuis 2017, où est également installé le siège de Telegram. Il fait face à de nombreux chefs d’accusation et est notamment critiqué pour son manque de coopération avec les forces de l’ordre, ayant refusé dans le passé de rendre accessible certaines informations sur les utilisateurs de sa plateforme.

Son arrestation a suscité de nombreuses réactions. Beaucoup condamnent l’arrestation de l’homme d’affaires et considèrent que Telegram permet de s’exprimer librement, surtout dans les pays où la liberté d’expression est très restreinte, comme par exemple en Russie. Un #FreePavel, lancé par Elon Musk sur X, a généré des milliers de publications sur les réseaux sociaux.

Retombées diplomatiques ?

Comme pour défendre ce “martyr de la liberté d’expression”, certains internautes vont jusqu’à relayer une rumeur selon laquelle son arrestation aurait eu pour cause de bloquer un contrat militaire. Selon eux, le gouvernement émirien aurait suspendu un contrat d’achat de 80 Rafale afin de sanctionner la France, entraînant une perte financière allant de 10 à 20 milliards de dollars en fonction des publications. C’est ce qui est affirmé par exemple sur ce post Facebook : “Le gouvernement français vient de perdre 17 milliards de dollars suite à l’arrestation de Pavel Durov. Les Émirats arabes unis ont gelé un accord portant sur l’achat de 80 avions de combat Rafale et ont qualifié l’arrestation de Pavel Durov de scandaleuse”.

Le contrat en question existe bel et bien. Signé en décembre 2021 entre la France et les Émirats arabes unis, il est qualifié de “contrat historique” par Dassault Aviation. Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, parle lui du contrat “le plus important jamais obtenu par l’aéronautique de combat française”. Le montant de la commande s’élève à 14 milliards d’euros pour les 80 avions, et à 3 millions d’euros pour les 12 hélicoptères de transport militaire Caracal également prévus dans le contrat.

Suite à l’arrestation de Pavel Durov, qui possède aussi un passeport émirati, l’agence de presse officielle des Émirats arabes unis a partagé dans un communiqué que le gouvernement suivait de près le cas du fondateur de Telegram et demandait au gouvernement français de “lui fournir d’urgence tous les services consulaires”. Cependant, aucune mention du contrat d’achat des Rafale, ni de sa suspension. Le gouvernement français non plus ne s’est pas exprimé à ce sujet.

Désinformation pro-russe

Cette fausse information remonte, selon de nombreuses sources, à une campagne de désinformation pro-russe. En effet, la rumeur se base sur des images d’un faux reportage, reprenant les codes d’Al Jazeera, chaîne d’information du Moyen-Orient, et véritables images d’actualité, qui a circulé notamment sur Telegram.

Dans ce reportage inventé, il est affirmé que “dans le cadre du scandale autour de Pavel Durov, le contrat a été gelé”, et qu’il serait question d’une “conséquence d’une erreur politique du gouvernement français”. La chaîne d’information n’est en réalité pas à l’origine de ce reportage comme elle l’a confirmé à Associated Press (AP).

Cette désinformation a été repartagée par des dizaines de comptes partageant de la propagande russe, selon l’enquête d’AP. Le Center for Countering Disinformation de Kiev, un projet gouvernemental ukrainien, a indiqué à l’AP que les comptes réalisaient “des citations croisées et des rediffusions systématiques de contenus”. Or cette technique est largement utilisée par les campagnes de désinformation russes.

 

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