Crédits photo : Gage Skidmore (CC 2.0)

Marion Maréchal veut interdire les publicités pour la nourriture Halal

Création : 23 mars 2024
Dernière modification : 22 mars 2024

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Source : 12 mars 2024, BFM TV

Interdire la publicité d’un produit, c’est porter atteinte à la liberté d’entreprendre du producteur ou du vendeur selon le Conseil constitutionnel, sauf motif impérieux tel que la protection de la santé publique. De plus, c’est potentiellement contraire au droit européen, sauf exception liée à l’ordre public.

Marion Maréchal, tête de liste du parti Reconquête! au prochaines élections européennes, veut interdire les publicités pour les produits alimentaires halal. Selon elle, cette publicité conduirait à mettre en place “une charia alimentaire”. Mais l’interdiction de publicité pour un produit doit respecter un certain nombre de conditions et d’abord le respect de la liberté d’entreprendre.

La publicité protégée par la liberté d’entreprendre

En 1991, le Conseil constitutionnel a reconnu que la publicité d’un produit relevait de la liberté d’entreprendre et du droit de propriété (décision du 8 janvier 1991
Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme). C’était à propos de la loi dite Evin du 10 janvier 1991 qui interdisait la publicité pour le tabac. Or, l’interdiction de la publicité sur le tabac poursuivait un objectif de santé publique auquel le Conseil constitutionnel a aussi reconnu une valeur constitutionnelle, le faisant en l’occurrence primer sur la liberté d’entreprendre.

Mais s’agissant de la nourriture halal on ne voit pas quel objectif de santé publique poursuivrait une interdiction de la publicité, ni même tout autre objectif d’ordre public. Marion Maréchal invoque le risque d’une “charia alimentaire” qui, en l’état actuel du droit, ne se rattache à aucune notion juridique.

Or, si elle souhaite appliquer sa proposition, elle devra démontrer qu’il existe un objectif constitutionnel capable de primer sur la liberté d’entreprendre des producteurs de nourriture halal.

Et au niveau de l’Union européenne ?

Au sein de l’Union européenne, la proposition de Marion Maréchal pose un autre problème : les Etats membres ont interdiction de faire obstacle à la libre circulation des marchandises (article 28 du Traité sur le fonctionnement de l’UE). Or, la Cour de Justice de l’Union européenne a relevé que “la législation qui limite ou interdit certaines formes de publicité et certains moyens de promotion des ventes, bien qu’elle ne conditionne pas directement les importations, peut être de nature à restreindre le volume de celles-ci, par le fait qu’elle affecte les possibilités de commercialisation pour les produits importés” (Arrêt Oosthoek de 1982). L’interdiction de la publicité est donc de nature à entraver le libre échange entre les Etats membres.

Par exception, les Etats membres peuvent imposer des restrictions à la libre circulation des marchandises, et donc à leur publicité, pour certains motifs. L’article 36 du TFUE prévoit ainsi des exceptions pour des raisons de “moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale“. Reste à Marion Maréchal à démontrer que les produits halal constituent une menace contre l’intérêt général. Il n’est pas certain du tout qu’elle convainque le juge européen.

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