Greenbox, CC 4.0

Marie Toussaint (Ecologistes) : “Le pacte migratoire va permettre de détenir des enfants dans des centres (et de) prendre leurs empreintes digitales”

Création : 4 mai 2024

Autrice : Amandine Tochon, master droit international et droit européen à l’Université de Lille

Relecteur : Christian Osorio Bernal, juriste et enseignant en droit des affaires européennes et internationales à l’Université de Lille

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle

Source : Débat des élections européennes (France 24 et RFI), 10 avril 2024, 28'

Avec la réforme du pacte asile et immigration, des enfants pourront être détenus dans des centres, mais sous certaines conditions. Quant à la collecte des empreintes digitales d’enfants, elle a pour but de les protéger contre les réseaux de traite d’êtres humains. Pas de quoi s’indigner en somme.

Le 10 avril 2024, lors du grand débat pour les élections européennes 2024 organisé par France 24 et RFI, Marie Toussaint, eurodéputée écologiste, affirmait que “le pacte migratoire va permettre de détenir des enfants dans des centres, prendre leurs empreintes digitales”. C’est vrai pour l’essentiel, mais sous certaines conditions et pour des raisons qui ne sont pas celles qui semblent indigner Marie Toussaint.

Marie Toussaint fonde ses propos sur la réforme du Pacte asile et immigration visant une refonte majeure de la politique migratoire européenne, fragilisée par la crise migratoire de 2015. L’arrivée de 1,8 million de migrants en une année a perturbé la coopération entre les États membres et révélé les carences de l’Union en matière de traitement des demandeurs d’asile et autres migrants. C’est pourquoi “le Parlement européen a adopté, le 10 avril 2024, un règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration au sein de l’Union”.

La détention des enfants uniquement en cas de demande d’asile

Le pacte a pour objectif de mieux gérer les flux migratoires aux frontières de l’Union. Il prévoit un système de filtrage préalable et obligatoire avant l’entrée d’un migrant au sein de l’Union. Dans les trois à sept jours suivant l’entrée d’un migrant sur le territoire d’un pays membre, celui-ci doit être dirigé vers des centres d’accueil où il subira un contrôle de santé et de sécurité, ainsi qu’un relevé des empreintes digitales (Article 8 du règlement – Exigences relatives au filtrage). Cette procédure permet de vérifier si le requérant doit être soumis à une procédure de retour, ou s’il est recevable à déposer une demande d’asile.

Pour diminuer la durée globale de la procédure dans certains cas, le pacte envisage la mise en place d’une procédure accélérée pour examiner les demandes d’asile, qui se déroule dans des centres de rétention, en procédure à la frontière. Cette dernière s’applique aux enfants, lorsque leur nationalité est faiblement protégée à l’asile (moins de 20% de taux moyen de protection), ou lorsqu’ils cherchent à retarder leur éloignement, ou encore s’il existe des inquiétudes sérieuses pour la sécurité nationale ou l’ordre public (Article 42 – Procédure d’examen accélérée). Ainsi, le pacte migratoire va en effet permettre de détenir des enfants dans des centres, mais seulement s’ils sont demandeurs d’asile et dans les cas énumérés.

Les enfants de 6 ans minimum devront donner leurs empreintes… pour les protéger

Une base de données Eurodac, mise en place en 2003, contient les empreintes digitales des demandeurs d’asile et des personnes en situation irrégulière enregistrés dans les États membres de l’Union et les pays associés. Cette base facilite la mise en œuvre du règlement de Dublin II en permettant de vérifier d’abord si un demandeur d’asile ou une personne en séjour irrégulier dans un État membre a déjà demandé l’asile dans un autre État membre, et ensuite si un demandeur a déjà été appréhendé lors de son entrée irrégulière sur le territoire européen.

La base Eurodac a déjà été réformée une première fois en 2013, à travers le règlement Dublin III qui vient remplacer le règlement précédent. Les forces de police et l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs peuvent ainsi comparer les empreintes digitales liées à des enquêtes criminelles avec celles contenues dans Eurodac.

Le pacte asile et immigration propose une nouvelle version de la base de données qui aurait désormais pour fonction de recueillir non seulement des empreintes digitales, mais également certaines données biométriques (Article 13 – Obligation de relever les données biométriques) telles que l’image faciale, et des données à caractère personnel (le nom, la date de naissance, la nationalité, une copie des documents d’identité et la date de la demande).

Selon la nouvelle version du règlement EURODAC, la collecte d’empreintes digitales et de données biométriques est imposée pour les personnes âgées de six ans au moins (Article 14 – Dispositions particulières concernant les mineurs), et non plus quatorze ans comme avant.

Selon cette dernière, la prise en compte des enfants pourra servir à des fins d’enquête pénale (Article 14 – Dispositions particulières concernant les mineurs), mais doit aussi permettre de les protéger contre les réseaux d’exploitation et de traite d’êtres humains (Considérant 70), comme il est indiqué dans l’introduction du règlement.

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